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"Il y a une complémentarité économique croissante entre l’Inde et la France"

La visite de François Hollande à New Delhi permet de poser l’Inde en contrepoids à la Chine, analyse le spécialiste des pays émergents Jean-Joseph Boillot. Il y sera question de Rafale et de nucléaire mais aussi de relations stratégiques.

François Hollande a atterri à New Delhi jeudi matin. Accompagné de cinq ministres et d’une importante délégation de chefs d’entreprise, le chef d’État français a choisi l’Inde plutôt que la Chine pour son premier déplacement officiel en Asie.

Une visite de deux jours à multiples tiroirs qui devrait être aussi bien l’occasion de

Contrat pour Eurocopter lors de la visite de Hollande en Inde

Eurocopter, une filiale du groupe européen EADS, a signé jeudi un contrat pour
fournir 50 hélicoptères civils à la société indienne Aviators.

Ce contrat, qui porte sur sept commandes fermes et 43 options, a été signé à l'occasion de la visite d'Etat du président français, François Hollande, en Inde.

Le montant de ce contrat n'est pas précisé. (Reuters)

renforcer les liens stratégiques et diplomatiques entre les deux pays que de discuter contrats et relations économiques. Jean-Joseph Boillot, co-auteur de l’ouvrage "Chindiafrique" (éd. Odile Jacob, janvier 2013) et conseiller économique sur les pays émergents au club du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) analyse pour FRANCE 24 les enjeux de ce déplacement présidentiel en Inde.
 

FRANCE 24 : Pourquoi François Hollande a-t-il choisi l’Inde et non la Chine pour son premier déplacement officiel en Asie ?

Jean-Joseph Boillot : C’est un symbole. Ce choix est délibéré pour poser l’Inde de facto comme l’un des grands partenaires de la France et comme un contrepoids à la puissance chinoise garant de notre indépendance dans un monde de géants.

Ensuite, il y a une complémentarité économique croissante entre l’Inde et la France et non pas une concurrence. Depuis quatre ou cinq ans, des entreprises françaises se relocalisent de façon silencieuse en Inde. Elles savent que leur technologie n’y sera pas menacée. Il n’y a pas, comme en Chine, un Parti communiste qui peut imposer aux sociétés étrangères le transfert de leur savoir-faire.

Enfin, il y a un élément stratégique qui a trait au triangle des géants (Chine, Inde et Afrique). L’enjeu pour Paris est de s'inscrire dans ce triangle en valorisant un autre triangle : Europe-Inde-Afrique.
 

FRANCE 24 : Pourtant la Chine est économiquement plus performante que l’Inde qui connaît actuellement un ralentissement...

J.-J. B. : Il y a un proverbe indien qui dit qu’il “vaut mieux un diamant avec quelques défauts qu’une pierre qui n’en a pas”. Certes, la Chine est un rouleau compresseur

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"Aucun des gros contrats ne sera signé pendant ce voyage"
"Il y a une complémentarité économique croissante entre l’Inde et la France"

économique mais l’Inde est une démocratie et c’est un élément important. Même si le marché est moins grand qu’en Chine et que le pays connaît un ralentissement économique conjoncturel, la croissance indienne est tout de même actuellement de 5 % et l'Inde figure au 3e rang mondial par le PIB calculé en parité de pouvoir d'achat.

En outre, comme le dit un autre proverbe indien : “goutte-à-goutte, le bassin se remplit”. C’est-à-dire que l’Inde construit petit à petit son économie de l’intérieur et ne dépend pas essentiellement de l’extérieur comme la Chine.
 

FRANCE 24 : On a l’impression que pour la France, ce déplacement est avant tout pour les Rafale ou le nucléaire...

J.-.J. B. : L’aspect militaire est significatif et stratégique pour les Indiens. Cela leur permet de ne pas dépendre uniquement des États-Unis, pays auquel ils ne font pas confiance. En outre, la Russie, avec qui l’Inde a des relations historiques dans le domaine militaire, les déçoit actuellement d’un point de vue industriel. La France apparaît ainsi comme la principale alternative dans les technogies militaires comme les avions dont il est beaucoup question mais aussi les sous-marins, dont on ne parle pas, du reste.

Mais évoquer des contrats juteux comme cela a pu être le cas, c’est faire injure à nos hôtes indiens. C’est se concentrer uniquement sur l’arbre qui cache la forêt du partenariat économique entre la France et l’Inde. Il y a tout un tissu de PME et d’autres groupes français qui séduisent les Indiens. Que ce soit L’Oréal qui a popularisé le modèle des dosettes en Inde, Saint-Gobain très présent jusqu' aux fins fonds des bazars, ou encore Solaire Direct qui vient de remporter le plus gros appel d’offre indien pour la construction d’une centrale solaire : les Indiens prennent le meilleur dans chaque secteur et c’est ce que les entreprises françaises ont bien compris.