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Benoît XVI : retour sur un pontificat jalonné de crises et de combats

Benoît XVI a créé la surprise lundi 11 février en annonçant qu’il renonçait à sa fonction en raison de son état de santé. Retour sur huit années d’un pontificat jalonné de crises et de polémiques, mais aussi de combats chers au souverain pontife.

La nouvelle fait l’effet d’une bombe. Face aux cardinaux, réunis dans une salle du Palais apostolique pour la canonisation de martyrs d'Otrante, le 265e "vicaire du Christ" annonce qu’il renonce à sa fonction. "Dans le monde d'aujourd'hui, sujet à de rapides changements et agité par des questions de grande importance pour la vie de la foi, pour gouverner la barque de Saint-Pierre et annoncer l'Évangile, la vigueur du corps et de l'esprit est aussi nécessaire", a expliqué le pape. Huit années qui se sont révélées pour le moins éprouvantes.

Élu à la tête de l’Église catholique le 19 avril 2005, il hérite notamment de la lourde tâche de succéder à Jean-Paul II, pape ô combien populaire et charismatique. Or il ne jouit pas  de la même aisance en public et pâtit à plusieurs reprises de difficultés de communication, voire de "gaffes".

Interrogée sur l’antenne de FRANCE 24 quelques heures après l’annonce de la renonciation papale, Philippine de Saint-Pierre, directrice des programmes de la chaîne catholique KTO, évoque "un pontificat marquant". Selon elle, "s’il met fin à sa mission maintenant, c’est probablement qu’il estime avoir accompli une grande partie de la tâche qu’il s’était fixée". Il a en effet tenu à mener à bien nombre de projets qui lui tenaient à cœur. Les huit années du pontificat de Benoît XVI n’ont toutefois pas été un long fleuve tranquille et ont été jalonnées de diverses crises dont la plus grave restera celle du scandale des prêtres pédophiles.

  • L'Église dans la tourmente des scandales de pédophilie

Quand il prend la tête du Saint-Siège en 2005, les révélations sur des scandales de pédophilie par des hommes d'Église ont déjà pris de l'ampleur aux États-Unis. En 2008, il est le premier pape à exprimer sa "honte" et rencontrer des victimes. Mais une nouvelle vague de révélations reprend fin 2009 avec la révélation de centaines d'abus en Irlande, puis s'étend en Europe, en Amérique du Nord et en Amérique latine.

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Benoît XVI : retour sur un pontificat jalonné de crises et de combats

La protection des prêtres pédophiles par la hiérarchie fait scandale. L'Église est accusée d'avoir couvert des cas d'abus sexuels sur des mineurs entre 1975 et 2004. C'est le début d'une longue série de scandales de pédophilie en Allemagne, aux Pays-Bas, en Autriche, mais aussi aux États-Unis. Pour désamorcer la crise, Benoît XVI s'adresse aux catholiques d'Irlande. Il y exprime les regrets de l'Église.

Mais bientôt, le pape lui-même est accusé d'avoir couvert un prêtre pédophile alors qu'il était encore cardinal. Alors que le Vatican resserre les rangs autour du souverain pontife, des voix s'élèvent pour demander sa démission et les fêtes de Pâques se déroulent dans un climat des plus tendus. Le 13 avril 2010, le Vatican publie sur son site Internet les "lignes directrices" de son plan de lutte contre la pédophilie dans l'Église.

Durant cette crise, Benoît XVI s’est à plusieurs reprises vu reprocher de n'avoir pas assez pris la mesure du problème durant ses 24 ans passées à la tête de la puissante Congrégation pour la doctrine de la foi. Mais, contrairement à certaines personnalités du Vatican qui crient au complot médiatique, il reconnaît les "péchés" de l'Église et entreprend une opération "place nette", entraînant la démission de dizaines d'évêques.

"Il avait à plusieurs reprises dit la nécessité d’agir à Jean-Paul II", explique à FRANCE 24 Frédéric Mounier, vaticaniste, correspondant de La Croix à Rome. Selon lui, "l’une des caractéristiques de Benoît XVI, c’est bien ce souci de transparence et il a beaucoup fait pour mettre en ordre l’appareil juridique du Vatican pour traiter ce genre de questions".

  • Fraîchement élu, Benoît XVI crée la polémique en évoquant " les racines chrétiennes de l’Europe"

Dès sa première audience publique, le 27 avril 2005, Benoît XVI se fait remarquer. Il affirme regretter que le projet de Constitution européenne ne mentionne pas explicitement les racines chrétiennes de l’Europe. Deux ans plus tard, le Vatican assouplit sa position et se prononce finalement en faveur de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.

  • Le discours de Ratisbonne suscite la colère de la communauté musulmane

Le 12 septembre 2006, Benoît XVI prononce un discours sur la foi, à l’université de Ratisbonne, en Allemagne. Pour condamner la violence faite au nom de la religion, il cite l’empereur byzantin Manuel II Palaiologos (1350-1425). Ce dernier dénonce le "mandat de Mahomet de diffuser par l’épée la foi qu’il prêchait". La communauté musulmane à travers le monde est choquée.

Quelques mois plus tard, il tente de corriger le tir, déclarant "regretter" que son discours de Ratisbonne ait été à l’origine d’un malentendu. Enfin, trois ans après, alors que Ratisbonne reste dans les mémoires, le souverain pontife se rend en Jordanie pour son premier voyage en terre d’Islam. Il prie à la mosquée Al-Hussein, la plus grande du pays, et devient ainsi le deuxième pape, après Jean-Paul II, à pénétrer dans une mosquée.

  • La réconciliation avec les catholiques intégristes et la polémique Williamson

Dès le début de son pontificat, Benoit XVI entame un processus de réconciliation avec l’aile intégriste des catholiques. En juillet 2007, il libéralise par un décret la messe en latin. Il accorde ainsi le droit aux communautés traditionnalistes de célébrer la messe quotidiennement, selon le rite tridentin. Cette mesure est perçue par une partie de l'opinion publique comme une régression par rapport au mouvement de modernisation du concile Vatican II, mais pour d’autres, elle s’inscrit dans une volonté de rassembler.

Benoît XVI va plus loin et lève l’excommunication, prononcée par Jean-Paul II, des quatre évêques schismatiques de la communauté Saint Pie X également appelés "lefebvristes", du nom de monseigneur Lefebvre, leur fondateur. L’un d’eux est monseigneur Williamson, connu pour ses propos négationnistes sur l’Holocauste.

Cette décision provoque une double polémique : chez les juifs et chez les catholiques. La communauté juive demande au pape une position claire. Pendant ce temps, la communauté catholique se divise. Fait rare, même un chef de gouvernement, Angela Merkel, demande des précisions officielles au pape. Le Vatican affirme qu’il ignorait les propos de Williamson lors de sa décision et exige qu'il retire publiquement ses propos. Mais les regrets de Williamson sont jugés "insuffisants" par le Saint-Siège.

Avec le reste des lefebvristes, une longue négociation est amorcée qui n’aboutira pas car ils refuseront toujours de se soumettre aux acquis du concile Vatican II.

  • Reprise du processus de béatification de Pie XII

À la surprise générale, Benoît XVI signe le 17 décembre 2010, un décret ouvrant la voie à la béatification de Jean-Paul II, mais aussi de Pie XII. Souverain pontife polémique de 1939 à 1958, Pie XII est accusé de n’avoir pas dénoncé les crimes du nazisme. Le Saint-Siège, quant à lui, répète depuis cinquante ans que Pie XII a sauvé des juifs en Europe, notamment à Rome, en les faisant cacher dans des institutions religieuses, et qu'il se taisait pour ne pas aggraver leur sort. Ce projet est une pomme de discorde entre le Vatican et Israël depuis de longues années.

  • Sida et préservatif : de la fermeté à l’ouverture
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Benoît XVI : retour sur un pontificat jalonné de crises et de combats

"Le préservatif aggrave le problème du Sida". Cette phrase s'est répandue dans les médias du monde comme une traînée de poudre. Le pape l'a prononcée en mars 2009 dans l'avion qui le conduisait au Cameroun pour son premier voyage en Afrique. Par ces termes, il va plus loin que son prédécesseur, Jean-Paul II, qui s'opposait au préservatif comme solution au problème du Sida. Par la suite, dans son ouvrage "Lumière du monde" publié en 2010, il sera le premier pontife à admettre que l'usage du préservatif, dans des cas très limités pour contenir la diffusion du Sida, peut être un premier pas vers une "sexualité plus humaine".

  • Dernier scandale en date : Vatileaks, une affaire "qui a donné à Benoît XVI le coup de grâce"

"Vatileaks", c’est le nom donné au retentissant scandale de fuites de documents confidentiels au Vatican, marqué en 2012 par la arrestation du majordome du pape, Paolo Gabriele. Il révèle les tensions au Vatican sur de nombreux sujets, entre conservateurs et progressistes, traditionnels et modernistes, partisans de la transparence et du secret. Interrogée par FRANCE 24, Geneviève Delrue, spécialiste des religions chez RFI, estime que l’affaire "lui a donné le coup de grâce".