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Visite historique du patriarche maronite à Damas

Le chef de l’église maronite Bechara Boutros Raï a participé dimanche à l’intronisation du nouveau patriarche grec-orthodoxe Youhana Yazigi. C’est la première visite d’un patriarche maronite en Syrie depuis 1943.

Le nouveau patriarche de la communauté grec-orthodoxe Youhana Yazigi a été intronisé, dimanche 10 février, à Damas, sur fond de guerre civile qui met aux prises les différentes communautés religieuses du pays. Au nombre des invités figure le patriarche maronite, Bechara Boutros Raï. La nouvelle est historique : il s’agit de la première visite d'un patriarche maronite en Syrie depuis l'indépendance du Liban en 1943. Le dernier à avoir foulé le sol syrien était Mgr Antoun Boutros Arida durant le mandat français. Elle intervient en outre à un moment où les chrétiens de Syrie et plus largement du Proche-Orient s'inquiètent pour leur avenir face à la montée de l'islamisme politique et des courants fondamentalistes.

Arrivé par la route samedi 9 février à Damas, il a célébré une messe à la cathédrale maronite de Damas à l'occasion de la Saint-Maron, patron des maronites. Prêtre et ermite, Maron est mort au début du Ve siècle. Il vécu dans le nord-est de la Syrie mais en raison de désaccords avec d’autres communautés chrétiennes, ses partisans se réfugièrent au VIIe siècle vers ce qui allait devenir le Liban. Le siège du patriarcat maronite est ainsi situé à Bkérké, à 25 kilomètres de Beyrouth, au pied du Mont Liban.

Nombreuses dissenssions

L'Église maronite a entretenu par le passé des relations tendues avec le régime syrien et elle avait appelé au retrait de l'armée syrienne du Liban en 2005. L’initiative de Bechara Raï, devenu patriarche en mars 2011, de se rendre en Syrie ce week-end est forte en symbolique et tranche radicalement avec les positions passées de Bkérké.

Le prédécesseur de Bechara Raï, Mgr Nasrallah Sfeir, qui a occupé la fonction durant 25 ans, était en effet au Liban l’un des plus virulents opposants à Damas et a toujours refusé de venir en Syrie où vit pourtant une petite communauté maronite. En signe d’opposition à la politique syrienne au pays du Cèdre, il n’avait pas hésité à boycotter la visite de Jean-Paul II en Syrie en 2001 alors même que tous les dignitaires religieux d’Orient s’étaient rendus à Damas pour l’accueillir. Malgré toutes les tentatives du pouvoir syrien pour le faire plier, le patriarcat maronite n’a pas infléchi sa position.

En 2008, Mgr Sfeir avait à nouveau montré sa farouche opposition au régime syrien lors de l’inauguration de la tombe de Saint-Maron, située à Brad, à une dizaine de kilomètres au nord d’Alep. Les autorités syriennes avaient longtemps argué que la tombe restaurée ne pouvait être inaugurée qu’en présence du patriarche maronite et que si Mgr Sfeir refusait de venir, il faudrait bien attendre son successeur. Mais finalement une messe solennelle a bien été célébrée sur les lieux en décembre 2008 en présence non pas de Mgr Sfeir mais du général Michel Aoun, ce dernier se positionnant alors comme l’un des leaders des chrétiens d’Orient.

Prière pour la fin des violences en Syrie

Lors de la messe samedi 9 février, Mgr Raï a notamment prié pour la fin des violences en Syrie. "[Je prie] pour que les consciences des dirigeants locaux, régionaux et internationaux soient inspirées pour mettre fin immédiatement à la guerre dans notre chère Syrie [...] et à amener la paix par le dialogue", a dit Bechara Boutros Raï aux fidèles rassemblés dans la cathédrale maronite de Damas.

Depuis le début du soulèvement contre Bachar al-Assad, il a pris soin de ne pas prendre trop ouvertement parti pour l'un ou l'autre camp, tout en tenant un discours proche de celui de Damas en plaidant pour que les réformes viennent de l'intérieur et en invitant l'Occident à donner "plus de chances" au président syrien. Le patriarche maronite s'est également montré critique envers le Printemps arabe, en s'inquiétant de ses conséquences pour les chrétiens d'Orient.

Dans une déclaration publiée par son bureau, le président libanais Michel Sleimane a apporté son soutien à Mgr Raï. "J'appuie cette visite et c'est au patriarche qu'il revient d'évaluer l'intérêt des chrétiens et il ne convient pas au chef de l'État de lui dire ce qu'il a à faire. Il n'est pas nécessaire que toute chose soit reliée à la politique. Le patriarche Raï comme le patriarche Yazigi connaissent l'intérêt des chrétiens et savent comment agir pour maintenir leur enracinement sur cette terre", a-t-il déclaré.

En se rendant en Syrie, Bechara Raï semble ainsi inaugurer une nouvelle ère dans l’histoire du patriarcat maronite.
 

Avec dépêches