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La Suisse sonne-t-elle le glas de l’affaire Cahuzac ?

D’après le "Journal du Dimanche", le fisc suisse n’a pas trouvé la trace du compte UBS qu’aurait détenu le ministre du Budget jusqu’en février 2010. Pour Mediapart, qui maintient ses accusations, "il s'agit d'une "opération de communication".

L’affaire Cahuzac pourrait faire pschitt. Après des semaines de suspense et de rebondissements, les autorités fiscales suisses ont exclu que l’actuel ministre du Budget ait eu depuis 2006 un compte bancaire UBS à son nom ou à celui d'une société, selon les informations du "Journal du Dimanche".

Les vérifications bancaires effectuées par l’administration helvète à la demande de la Direction générale des finances publiques française montrent que Jérôme Cahuzac n’est ni titulaire ni "ayant droit économique" d’un compte en sous-main depuis 2006, date butoir de la convention OCDE d'entraide fiscale liant la France à la Suisse, ajoute le "JDD". "Cette réponse transmise par l'UBS via les autorités fédérales suisses et les services fiscaux français dément formellement la possibilité d'un compte", a confié au journal une source administrative à Bercy.

L'hebdomadaire confirme ainsi les informations révélées mercredi par "le Nouvel Observateur". "Il semble" que le ministre n'a pas fermé de compte en Suisse en février 2010 contrairement à ce qu'affirme Mediapart. De même, d'autres recherches remontant à 2006 seraient également négatives", pouvait-on lire sur le site du Nouvel Observateur.

"Une opération de communication" pour Mediapart

Pas de quoi cependant amoindrir les accusations de Mediapart. Droit dans ses bottes, le site d'information a immédiatement réagi dimanche 10 février à l'article du JDD. "Ça ressemble furieusement à une opération de communication [...]. C'est un papier qui ne dit rien de ce fameux document suisse. Il n'y a pas un élément à l'appui de l'article qui laisse penser que le journaliste ait pu consulter ce document", a déclaré à l'AFP François Bonnet, rédacteur en chef de Mediapart.

"Nous, en l'état, on maintient la totalité de nos informations, nous maintenons qu'il y a bel et bien eu un compte suisse ouvert à l'UBS et que M. Cahuzac, lors d'un déplacement à Genève, début 2010, a organisé le transfert d'un certain nombre d'avoirs vers Singapour", a-t-il poursuivi.  "Il y a un certain nombre de personnes dont le témoignage doit intervenir la semaine prochaine et la semaine suivante et qui sont essentielles pour cette affaire", a précisé le rédacteur en chef de Mediapart.

Un imbroglio en plusieurs actes

L’affaire commence le 4 décembre 2012. Le site d’information Médiapart publie une enquête dans laquelle le journaliste Fabrice Arfi accuse le ministre du Budget, héraut de la lutte contre l'évasion fiscale, d'avoir détenu "un compte bancaire non déclaré à l'Union des banques suisses (UBS) de Genève" jusqu'au début 2010. "Ce compte a été formellement clos par Jérôme Cahuzac début 2010, quelques jours avant qu'il ne devienne président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale", affirme alors Mediapart. "Les avoirs auraient été ensuite déplacés vers un autre paradis fiscal [...] à l'UBS de Singapour par le truchement d'un complexe montage financier offshore", précise-t-il, citant "des sources informées du dossier".

Les accusations de Mediapart se basent sur le témoignage de Remi Garnier, un agent du fisc retraité, mais aussi sur un enregistrement téléphonique réalisé en 2000 par Michelle Gonelle, ancienne maire RPR de Villeneuve-sur-Lot elors des municipales de 2001 par le ministre du Budget.

“Ce qui m’embête, c’est que j’ai toujours un compte ouvert à l’UBS. Ça me fait chier d’avoir un compte ouvert là-bas, UBS, c’est quand même pas forcément la plus planquée des banques.”, affirme sur cette bande une voix attribuée à Jérôme Cahuzac et toujours en cours d’authentification.

Jérôme Cahuzac dénonce alors "une calomnie gravement diffamatoire" sur son compte Twitter et dément formellement ces accusations, le 5 décembre, devant l’Assemblée nationale. "Je n'ai pas, je n'ai jamais eu de compte à l'étranger. Ni maintenant, ni avant", martèle-t-il avant de porter plainte pour diffamation. Pour prouver sa bonne foi, Jérôme Cahuzac demande à ce que "toute information" le concernant, précise le "JDD", soit transmise exclusivement au ministre de l’Économie et des Ffinances Pierre Moscovici.

Jérôme Cahuzac ne s’est "jamais senti coupable"

Face à cet imbroglio, le parquet de Paris décide le 8 janvier d’ouvrir une enquête préliminaire pour “blanchiment de fraude fiscale“. Parallèlement au volet judiciaire, le gouvernement lance ses propres investigations. Grâce à la convention fiscale franco-suisse, l’administration fiscale française a pu demander à son homologue helvète de vérifier s’il y avait bel et bien eu évasion fiscale entre 2006 et 2012.

La réponse des autorités helvètes est donc désormais claire : Jérôme Cahuzac n’a pas eu de compte UBS depuis 2006. "Imaginer une seconde que les autorités suisses aient pu faire une réponse de complaisance est tout simplement absurde", insiste une source administrative interrogée par le "JDD".

Transmis au ministre de l'Économie et des Finances, Pierre Moscovici, ces éléments sont désormais entre les mains du procureur de Paris en charge d'une enquête préliminaire sur les informations révélées par Mediapart, précise le "JDD".

Soutenu depuis le début de l’affaire par le gouvernement, Jérôme Cahuzac a déclaré, après avoir été informé de la remise du document suisse aux autorités françaises, qu’il ne s’était " jamais senti coupable" même s’il avait pu "paraître accablé par le soupçon terrible" qui pesait sur lui. "Ce n'est pas à moi de dire que je suis hors de cause, mais, en conscience, je l'ai toujours été."

Tags: Suisse, Fiscalité,