Pour le 34e anniversaire de la Révolution iranienne, Téhéran a dévoilé, le week-end dernier, l'avion militaire Qaher-313, présenté comme l’un des plus sophistiqués du monde. Une annonce accueillie avec un certain scepticisme...
C’est un avion militaire qui, d’après ses caractéristiques, serait l’un des plus avancés au monde. Tellement avancé que plusieurs experts pensent qu’il s’agit plutôt d’un beau prototype... au mieux. Surtout que le Qaher-313 ("Conquérant-313") - c’est le nom de cet objet volant mal identifié - est de facture iranienne. Un pays - pris à la gorge par un embargo économique très strict - qui n’est pas connu pour être à la pointe de la technologie.
Pourtant, le Qaher-313 a été présenté en grande pompe le week-end dernier, pendant les festivités du 34e anniversaire de la Révolution iranienne de 1979. Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, s’est personnellement déplacé pour lever le voile sur cet avion furtif “à vocation défensive” qui, d’après lui, aurait déjà volé “des milliers d'heures”. Il a ajouté que cet engin phénoménal était capable de transporter l’armement le plus moderne. Le Qaher-313 serait également “doté d’une signature radar très faible”, d’après le ministre iranien de la Défense. En clair : cet avion serait quasi indétectable.
Des affirmations qui, si elles s’avèrent être vraies, feraient de l’Iran le deuxième pays au monde à disposer d’un avion de combat furtif opérationnel. Pour l’heure en effet, seuls les États-Unis en disposent et quelques pays, dont l’Inde et la Chine, reconnaissent en avoir des prototypes.
Un grand bond technologique qui n’a pas manqué de provoquer une vague de scepticisme parmi les spécialistes de l’aviation militaire. Pour eux, cet avion serait tellement furtif qu’il n’existerait, en fait, tout simplement pas. Le site américain spécialisé The Aviationist s’est livré à une analyse détaillée de cet appareil à partir des photos fournies par l’agence de presse officielle iranienne Fars News. Impossible, d’après eux, que le Qaher-313 puisse effectivement voler.
Du plastique et du plexiglas
Ainsi, note le site, “il manque les fixations traditionnelles sur ce type d’avion, ce qui semble indiquer qu’il est fait en plastique”. En outre, le cockpit semblerait bien trop petit pour qu’un pilote puisse y manœuvrer à l’aise. La partie vitrée du cockpit “manque de transparence et semble faite en plexiglas”, ce qui rendrait la visibilité très aléatoire en vol.
Des doutes qui ont également été relayés par des “experts israéliens” interrogés par le site Flightglobal. “L’impression générale est que l’Iran a recouvert de parties en plastique un modèle ancien afin de donner le change”, tranchent ces sources anonymes israéliennes.
La vidéo du Qaher-313 mise en ligne par la chaîne officielle iranienne Press TV n’a pas non plus impressionné les spécialistes. “La qualité de l’image est médiocre et, dans ces conditions, il peut tout à fait s’agir d’un modèle réduit téléguidé”, assure Flightglobal.
Des critiques qui ont amené les autorités iraniennes à publier, lundi, un “top 10” des caractéristiques censées prouver que le Qaher-313 est bel et bien l’un des avions furtifs de combats les plus avancés au monde. Pour The Aviationist, si cette liste démontre que les ingénieurs iraniens sont au fait des techniques à utiliser, rien ne prouve qu’elles ont bien été mises en pratique sur l’avion dévoilé le week-end dernier.
Mais où est le singe ?
Au delà du défi technologique, le scepticisme international provient aussi et surtout du fait que la flotte aérienne iranienne est ”généralement considérée comme obsolète”, souligne le site américain Business Insider. Elle se compose essentiellement de “vieux modèles russes ou américains achetés avant la révolution de 1979”, rappelle l’agence de presse Reuters.
L’Iran passe aussi pour un spécialiste des fanfaronnades technologiques ou scientifiques. Une semaine avant la présentation de l’avion furtif, Téhéran avait ainsi affirmé avoir envoyé un singe dans l’espace. Mais, là encore, les photos publiées par les agences de presse officielles ont été accueillies avec scepticisme. Les clichés du singe avant et après le vol semblent ainsi indiquer qu’il ne s’agit pas du même animal, comme l’a relaté, le 31 janvier, le site des Observateurs de FRANCE 24.
Dans ce contexte, la présentation d’un avion furtif de combat est essentiellement perçue comm un message de communication à destination interne. Le régime chercherait à prouver que l’embargo international ne l’empêche pas de rester dans la course technologique...