Après avoir fait descendre dans la rue ses partisans et ses détracteurs, le projet de loi sur le mariage pour tous doit être discuté à partir de mardi à l’Assemblée nationale. Si l’issue du vote ne fait aucun doute, le débat risque d’être âpre.
Après s’être fait jour dans la rue, les crispations liées au mariage pour tous en France vont désormais se concentrer dans l’hémicycle. Mardi 29 janvier débutent à l’Assemblée nationale les discussions sur le projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe.
Voici les principales dispositions qui seront soumises le 29 janvier en séance à l'Assemblée nationale.
- Le cœur du projet de loi consiste à ouvrir aux personnes de même sexe la liberté de se marier et le droit d'adopter qui en découle. Le nouvel article 143 du code civil indiquera que "le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe". Les dispositions qui en découlent, comme l'âge des futurs époux ou les empêchements, restent les mêmes.
- Les Français auront la possibilité de se marier avec un ressortissant étranger de même sexe, ou deux ressortissants étrangers la possibilité de se marier en France même dans le cas où la loi du pays d'origine du ou des futurs époux ne reconnaîtrait pas la validité du mariage homosexuel.
- L'ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe implique nécessairement l'ouverture de l'adoption, qu'il s'agisse de l'adoption conjointe d'un enfant par les deux époux ou de l'adoption de l'enfant du conjoint.
- Modification, pour tous les couples mariés, hétérosexuels ou homosexuels, des règles de dévolution du nom de famille. En cas de désaccord ou d'absence de choix des parents, les noms de chacun d'eux, accolés dans l'ordre alphabétique, seront donnés à l'enfant, alors qu'actuellement c'est le nom du père qui est attribué.
- Le mariage entre personnes de même sexe contracté régulièrement à l'étranger, avant l'entrée en vigueur de la loi, pourra faire l'objet d'une transcription en France.
-Interdiction de toute mesure de sanction ou de licenciement contre un salarié marié avec une personne de même sexe ayant refusé une mutation géographique dans un État réprimant l'homosexualité.
AFP
Deux jours seulement après la marche des partisans du mariage homosexuel qui, selon les sources, ont rassemblé entre 125 000 et 400 000 personnes, les députés français sont invités à se pencher sur l’une des plus importantes réformes sociétales depuis l’abolition de la peine de mort en 1981.
Bien que l'issue du vote ne fasse aucun doute tant la gauche semble faire bloc derrière le projet (seuls 3 ou 4 députés socialistes auraient fait savoir qu’ils voteraient contre), l’opposition de droite entend bien profiter de ce sujet qui divise l’opinion publique pour retrouver un peu de vigueur après la guerre des chefs qui a éclaté au sein de l’UMP lors de l’élection de son président. "Notre mobilisation sera importante. Nous souhaitons un débat serein mais nous défendrons toutes les procédures", a déclaré à l’AFP Christian Jacob, le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale.
Bien déterminée à entamer une guérilla parlementaire pour marquer son opposition au projet, la droite défendra trois motions de procédure - dont une motion exigeant un référendum sur le mariage - et plus de 5 000 amendements… Une détermination qui s’est d’ores et déjà attiré les critiques du Parti socialiste (PS). "Cinq mille amendements, […] c'est quelque chose qui n'est pas trop compréhensible pour le commun des mortels ni pour [...] la crédibilité de l'action parlementaire [...] alors qu'il s'agit de réformer de façon très brève, en quelques lignes, le code civil", s’est agacé David Assouline, co-porte-parole du PS, lors d’un point presse.
Malgré les âpres débats qui s’annoncent, "la détermination du gouvernement est totale pour mener ce projet à bien", a déjà assuré Alain Vidalies, ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, qui rappelle qu’une majorité de Français, selon les sondages, se dit favorable à la réforme.
Fort du soutien de toutes les sensibilités de gauche, le gouvernement espère ainsi que deux semaines, y compris les week-ends, seront nécessaires à l’examen d’un texte réduit à 14 articles après son passage à la commission des lois. Le projet de loi devra être soumis à l’examen du Sénat en mars avant une adoption définitive par le Parlement prévue en juin ou en juillet.
Avis de tempête sur la PMA
Mais plus que le mariage gay, c'est la très sensible question de l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples lesbiens qui devrait davantage déchaîner les passions dans l’hémicycle. Un temps annoncée dans le projet de loi, la disposition en a été finalement écartée afin d'être soumis, comme s'y est engagé le président François Hollande, à l'avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), puis intégrée dans un texte sur la famille qui sera présenté en conseil des ministres en mars prochain.
Si elle était ouverte aux couples d’homosexuelles unies par le mariage, la PMA permettrait à ces dernières de recourir à une assistance médicale pour avoir des enfants. Une perspective contre laquelle s’élèvent, pour des raisons éthique, l’opposition et certains élus de gauche qui craignent qu’elle n’ouvre la voie à la gestation pour autrui. L’opinion française semble, elle aussi, loin d’adhérer à cette ouverture. Selon un sondage Opinion Way publié le 10 janvier, 63 % des Français s’opposent à la PMA accordée aux couples lesbiens.
Si le gouvernement maintient son intention de soumettre la procréation médicalement assistée à l’Assemblée nationale, certains membres de la majorité font déjà part de leur crainte qu’elle ne donne lieu à une rugueuse bataille parlementaire difficile à gérer pour le gouvernement. Dans une interview accordée à la chaîne Canal+, le 20 janvier, Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, a indiqué qu’il ne voterait pour la PMA sans qu’un débat sur la question n’ait été préalablement organisé. "C'est un sujet extrêmement compliqué" qui "mérite un débat approfondi […] long et fourni. Ce sont des questions très lourdes", a-t-il soutenu.
Plus tôt, à la fin de décembre, 27 députés socialistes avaient fait savoir qu’ils ne souhaitaient pas être parmi les co-signataires de l'amendement sur la PMA, arguant du fait que ce volet ne figurait pas, contrairement au "mariage pour tous", parmi les 60 engagements du candidat François Hollande.
FRANCE 24 avec dépêches