Noreddine Bezziou, grand reporter à FRANCE 24, était l'un des rares journalistes présents dans la zone du site gazier algérien de Tiguentourine, près d'In Amenas. Témoignage.
Noreddine Bezziou, grand reporter à FRANCE 24, était l’envoyé spécial de la rédaction dans la zone du site gazier algérien de Tiguentourine, situé près d'In Amenas, cible d'une attaque et d'une prise d'otages par un commando djihadiste le 16 janvier. Il livre ici ses impressions et son témoignage sur cet évènement.
Sachant que les autorités algériennes ont entretenu le flou autour de cette prise d’otages, pouvez-vous nous décrire vos conditions de travail sur place ?
Noreddine Bezziou : Nous étions tenus à l’écart, il était très difficile de travailler pendant toute la durée de la prise d’otages. La communication était restreinte et les instructions étaient claires : il ne fallait pas parler et ne rien laisser filtrer. Au final, mis à part l’armée, il semble que tout le monde était dans le flou. En outre, seule une poignée de caméramans et de photographes locaux étaient présents sur place, il n’y avait aucun correspondant de médias étrangers. Nul ne pouvait se rapprocher du site de la prise d’otages, un barrage de l’armée, placé à 15 kilomètres des lieux, nous barrant la route. Nous avons pu recueillir les témoignages des travailleurs algériens qui ont quitté le site après l’offensive de l’armée algérienne. Beaucoup d’entre eux s’étaient cachés pendant plusieurs jours, sans rien manger. Ils étaient très effrayés, seuls certains d’entre eux ont accepté de nous parler, après leur arrivée en bus, affrétés par les autorités, à In Amenas, situé à 40 kilomètres du complexe gazier. Je pense qu’il faudra attendre un certain temps avant que toute la lumière soit faite sur cette affaire, qui n’a pu avoir lieu sans de nombreuses complicités. Nul doute que de nombreux secrets seront dévoilés tôt ou tard.
Quel est votre sentiment sur cet évènement qui a tenu en haleine les médias pendant plusieurs jours ?
N.B : Il est clair que les djihadistes ont voulu mener une opération de communication. Il est indéniable que leur stratégie a payé, puisqu’ils ont réussi à frapper les esprits et occuper le devant de la scène médiatique. C’était leur but. En outre, il s’agissait assurément d’une opération-suicide, car les ravisseurs étaient équipés d’une grande quantité d’explosifs. Ils étaient donc prêts à rester le plus longtemps possible sur place et y mourir - les armes à la main ou en faisant exploser le complexe gazier. L’issue de cette affaire ne les dissuadera pas de recommencer à l’avenir, il n’est pas impossible de les voir rééditer ce type d’opération, malgré la réponse musclée de l’armée algérienne.
Comment a réagi la population de la petite ville d’In Amenas à cet évènement ?
N.B : Elle était indéniablement soulagée, mais aussi désolée du sort final des otages étrangers. Plusieurs habitants nous ont confié qu’ils craignaient que les djihadistes ne fassent exploser le site, sachant qu’ils travaillent dans des entreprises liées directement ou indirectement au complexe gazier. Ils restent inquiets quant à l’avenir, et redoutent que de nouvelles attaques terroristes fassent fuir les grands groupes étrangers et leur fassent perdre leurs emplois. Concernant l’assaut de l’armée, à l’instar des Algériens, la majorité de la population locale s’est félicitée que les militaires soient parvenus à mettre un terme à la prise d’otages. Il fallait frapper fort pour montrer que la seule issue pour les ravisseurs, dans ce genre de scénario, est la mort. D’autres, plus minoritaires, estiment que cet évènement fait partie d’un complot international visant à déstabiliser le pays.