
Dans le cadre de la restructuration de Renault dans l'Hexagone, la direction serait prête à faire produire une Nissan en France. Le Japonais appelé à la rescousse de l’emploi ? Un choix logique d’après un ex-salarié du constructeur français.
La perspective de voitures Nissan produites sur des sites Renault en France se précise. La filiale japonaise du constructeur français serait même déjà prête à dégainer un modèle “made in France”, a assuré, jeudi 24 janvier, le quotidien économique français "Les Échos".
Il s’agirait, d’après le journal, d’une berline, de la taille de la Megane, destinée au marché européen à l’horizon 2014. La direction du groupe Renault-Nissan aurait déjà attribué un objectif de production à ce nouveau modèle : 80 000 unités par an. Soit exactement l’augmentation de charge de production que Carlos Ghosn, patron du constructeur français, a promis aux syndicats de la marque au losange s’ils acceptaient de signer l’accord de compétitivité proposé par la direction.
L’arrivée de ce chevalier blanc à quatre roues sur le territoire national n’a pas été confirmée par le constructeur français. Pour l’heure, la direction de Renault est en pleine négociation avec les syndicats pour faire accepter sa restructuration, qui prévoit notamment la suppression de 7500 postes en France, afin de redonner un peu de lustre à la compétitivité du groupe dans l’Hexagone. La voiture Nissan “made in France” serait, d’après "Les Écho"s, un joker que Carlos Ghosn & Co se gardaient pour amadouer les syndicats.
Cette nouvelle fait, en tout cas, écho à la récente affirmation d’Arnaud Montebourg, le ministre français du Redressement productif. Il avait, en effet, assuré, vendredi 18 janvier, que Carlos Ghosn lui avait confirmé que “Nissan se porte[ra] au secours des usines françaises et mette[ra] du travail sur les chaînes françaises”.
Ambitions européennes de Nissan
Le choix d’une production française pour Nissan, qui produit par ailleurs des voitures en Grande-Bretagne et en Espagne, peut sembler paradoxal. Les deux constructeurs français - PSA (Peugeot Citroën) et Renault - ne répètent-ils pas, sur tous les tons, que la productivité française est en berne ? La marque au losange est, en outre, passée maître ès délocalisations. Elle ne fabrique plus que 17,5 % de ses véhicules en France, selon le CCFA (Comité des constructeurs français d'automobiles). “Volkswagen, Toyota, Ford, produisent bien davantage sur leur territoire national”, souligne à cet égard le site économique de La Tribune.
Pourtant, une Nissan française serait, malgré tout, “un bon choix stratégique”, affirme à FRANCE 24 Pierre Allanche, ancien de Renault et auteur de “Renault, côté cour”. Techniquement, les usines Renault seraient tout à fait capables de s’adapter rapidement à une production de Nissan. “Cette possibilité de production croisée est l’une des raisons à l’origine du mariage entre les deux marques”, rappelle ce spécialiste de l’entreprise. En outre, le fourgon NissanNV 400 est déjà construit dans l’usine Renault de Batilly, comme le souligne le site leblogauto.
Cette production serait, en outre, “logique” en terme de stratégie industrielle pour Renault. “Les sites français du groupe sont parfaitement compétitifs sur le segment du moyen et haut de gamme”, rappelle Pierre Allanche. Le mystérieux nouveau modèle de Nissan se situerait justement sur ce segment. En outre, malgré le marasme du secteur automobile européen, le constructeur japonais aurait de fortes ambitions sur le Vieux Continent, où la marque voudrait détrôner Toyota, affirment "Les Échos".
“Échec de Carlos Ghosn en France”
En France, le sauvetage de l’activité, auquel Nissan contribuerait, donnerait également à Carlos Ghosn un peu d’air pour remettre en marche la maison de Renault. “La marque a deux visages, l’un a l’international où Carlos Ghosn a plutôt bien réussi à se développer et l’autre en France où sa stratégie a été un échec”, souligne Pierre Allanche. Ce spécialiste rappelle qu’à son arrivée en 2005, le chef d’entreprise franco-libanais avait annoncé son plan “Renault Contrat 2009” qui prévoyait une conquête des parts de marché par le haut de gamme. “À part la Laguna, Renault n’a pas sorti de modèle à succès sur ce segment depuis plus de 7 ans”, assure Pierre Allanche.
Un échec qui a contribué à fragiliser les sites de production français d’où devait partir cette offensive. “La localisation en France de la prochaine Nissan permettrait de sauvegarder l’activité dans des sites adaptés à la production de voitures haut de gamme et moyen de gamme, le temps que les équipes de Renault renouvellent les modèles sur ces segments de marché”, espère Pierre Allanche.
La direction hésiterait, d'après "Les Échos", entre les sites de Flins et de Douai pour produire ces voitures. Mais la nouvelle Nissan “made in France” ne va pas régler tout le problème de surcapacité de production des usines françaises de Renault. Les 80 000 unités par an ne sont, en effet, pas grand chose comparées aux “800 000 véhicules en plus qu’il faudrait construire sur le territoire national”, d’après Pierre Allanche.