Moscou refuse de restituer à une organisation juive américaine une collection de livres sacrés qui avait été saisie à l'époque soviétique. En réponse, un tribunal américain a condamné la Russie à des pénalités financières.
La Russie a accusé jeudi de "provocation" la justice américaine, qui l'a condamnée à des pénalités de 50.000 dollars par jour si elle persistait à refuser de transmettre à une organisation juive américaine une collection de livres sacrés saisie à l'époque soviétique.
La collection qui compte 12.000 livres et 50.000 documents, dont plus de 380 manuscrits, avait appartenu autrefois au rabbin Joseph Isaac Schneersohn du village de Lioubavitchi (région de Smolensk, ouest), l'un des centres du mouvement religieux juif hassidique.
Mercredi, un tribunal de Washington a condamné la Russie à payer 50.000 dollars par jour au mouvement religieux juif hassidique de Habad-Loubavitch basé à New York jusqu'à ce qu'elle restitue cette collection considérée comme sacrée par les adeptes du mouvement.
"Le ministère russe des Affaires étrangères considère la décision du tribunal fédéral de Washington (...) comme illégitime et comme une provocation", a affirmé la diplomatie russe dans un communiqué publié jeudi.
C'est ce même tribunal qui avait ordonné en août 2010 la restitution de la bibliothèque de Schneersohn au mouvement de Habad-Loubavitch. La Russie refuse de s'exécuter.
"C'est un étrange spectacle russophobe qui viole grossièrement la législation américaine et toutes les normes du droit international", a lancé de son côté le ministre russe de la Culture Vladimir Medinski, cité par les agences russes.
"La collection de Schneersohn a été rassemblée sur le territoire de notre pays et fait partie du patrimoine national. En tant que propriété de l'Etat russe, elle bénéficie d'une immunité juridique", a encore souligné la diplomatie russe.
Le vice-ministre russe de la Culture Grigori Ivliev, cité par l'agence Ria Novosti, a estimé pour sa part que la décision américaine aurait "un impact négatif sur l'accès des citoyens américains au patrimoine culturel russe".
M. Ivliev a notamment estimé que des programmes de coopération culturelle entre les deux pays, notamment des échanges d'expositions entre musées russes et américains, pourraient être gelés.
La Russie avait déjà cessé de présenter des expositions aux Etats-Unis, craignant que les œuvres ne soient saisies dans le cadre de cette affaire.
En mars 2011 un conflit s'était produit lors d'une exposition d'icônes russes aux Etats-Unis. La Russie a souhaité retirer ses icônes exposées dans un musée au Massachusetts avant terme, craignant une saisie. Le musée américain avait dans un premier temps refusé de renvoyer ces icônes en Russie, avant de l'accepter.
La Fédération des communautés juives de Russie (FEOR) a indiqué soutenir le principe d'une restitution, mais a estimé que la décision des juges américains n'aurait "aucun effet".
"Les avoirs confisqués aux propriétaires légitimes doivent leur être rendus", a déclaré à l'AFP le porte-parole de la FEOR Boroukh Gorine.
Les représentants de la communauté de Habad-Loubavitch à New York sont "sans aucun doute les héritiers légitimes de Joseph Isaac Schneersohn" qui avait émigré aux Etats-Unis en 1940, a souligné M. Gorine.
Mais "il faut obtenir la décision d'une instance internationale dont la Russie accepterait la juridiction", a-t-il dit.
Une partie de la collection de Schneersohn a été nationalisée à l'époque soviétique et placée dans la Bibliothèque d'Etat russe.
Une autre partie a été transférée par Schneersohn en Pologne où elle a été saisie par les nazis lors de la deuxième guerre mondiale, mais rapportée en Russie par les troupes soviétiques après la chute du IIIe Reich. Cette autre partie se trouve dans les archives militaires russes.
L'organisation réunissant les adeptes du mouvement de Habad-Loubavitch, dont le bureau central se trouve à New York, réclame la restitution de cette collection en tant qu'héritier spirituel du rabbin qui a été expulsé de l'URSS dans les années 20.
AFP