
Alors que le gouvernement vient d’annoncer que les pilules contraceptives de 3e génération ne seront plus remboursées à partir du 31 mars 2013, le milieu médical s’inquiète des conséquences d’une telle mesure.
Pour de nombreux spécialistes, c’est un peu la méthode "un fait divers = une loi". Suite à la médiatisation de l’affaire Marion Larat - du nom de cette jeune femme qui accuse la pilule de 3e génération Meliane d’être à l'origine de son accident vasculaire cérébral (AVC) -, le gouvernement vient d’annoncer la fin du remboursement des contraceptifs de 3e génération dès le 31 mars 2013.
Mises sur le marché dans les années 1980, les pilules de 3e génération sont censées éviter certains effets secondaires tels que l'acné et la prise de poids, notamment grâce à leur dosage plus faible en œstrogène et plus fort en gestodène et désogestrel.
C’est aujourd’hui la présence de ces deux autres molécules qui est pointé du doigt. Selon la Haute autorité de santé (HAS) aucune étude n'a jusqu'à présent démontré que les pilules de 3e génération avaient un intérêt clinique supplémentaire par rapport aux pilules de 2e génération. À elles seules, pourtant, les pilules de 3e génération représentent 50% des contraceptifs utilisés.
Les supprimer n’est pas envisageable car "les pilules de 3e génération conviennent à une catégorie de femmes ne supportant pas les contraceptifs de 2e génération", rappelle Nathalie Bajos, chercheuse à l'Inserm.
Simple mesure de précaution, avance Marisol Touraine, la ministre de la Santé, qui justifie cette annonce par le fait qu’il existe des risques plus élevés de "complications thrombo-emboliques veineuses [ou phlébites pouvant mener à un AVC]" chez les pilules de 3e et 4e générations. En cause, toujours les mêmes molécules : le désogestrel, le gestodène, et la drospirénone, présentes à plus ou moins forte dose dans la composition de la pilule.
Seulement voilà, le cas de Marion Larat reste "un cas rare", explique Joëlle Tort-Grumbach, gynécologue-obstétricienne, à Paris, contactée par FRANCE 24. Oui, rappelle-t-elle, les pilules 3e et 4e générations, prescrites à 1,5 million de femmes en France, présentent des risques de phlébites dans 0,04% des cas. Mais ce taux est sensiblement le même pour les autres pilules : 0,02% des femmes utilisant les pilules de 1ere et 2e générations sont susceptibles d'avoir des complications.
"Il n’existe pas de risque zéro dans la prise d’un médicament"
Alors faire du cas "Marion Larat", une mesure politique pour tous, est disproportionné, estime la gynécologue. "Tout ce que je vois, c’est qu’il y a un affolement général autour de ces contraceptifs. Rien que cette semaine, j’ai deux patientes qui m’ont demandé si leurs pilules étaient dangereuses et si elles devaient arrêter de la prendre. Il faut arrêter ce discours hyper alarmant sur les pilules de 3e et 4e générations."
Il est vrai que – principe de précaution oblige – l’alarmisme semble être aujourd’hui l’option privilégiée par l’État dans ce dossier. Non seulement la ministre a demandé à l'agence du médicament (ANSM) "que la pilule de 2e génération soit systématiquement privilégiée, sauf situations particulières", mais l’ANSM a même préconisé de "réserver" la délivrance de la pilule 3e et 4e génération à des "spécialistes".
Cette "façon de crier au loup" agace aussi du côté de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Nathalie Bajos, spécialiste de la contraception dans le célèbre centre de recherche, rappelle que toutes les pilules présentent un risque – aussi minime soit-il. "Il n’existe pas de risque zéro dans la prise d’un médicament. Même avaler un doliprane peut entraîner des complications !", précise-t-elle.
"Ne pas tomber dans le : tout sauf la pilule !"
"Parler de dangerosité n’a donc pas de sens dans ce débat. Les pilules, quelles qu’elles soient, ne sont pas ‘dangereuses’, elles comportent simplement des risques plus ou moins importants selon leur composition". Ironie de la polémique : Nathalie Bajos rappelle que les risques de complications type phlébite – ou AVC - sont même plus élevés chez les femmes enceintes que chez les femmes sous pilule.
Ce n’est donc pas tant l’aspect médical du débat que les conséquences "désastreuses" de l’annonce du gouvernement qui inquiètent les deux spécialistes. "En 1995, il y a eu un débat similaire en Grande-Bretagne autour de la contraception. Résultat : les grossesses non désirées et les avortements ont explosé", ajoute Nathalie Bajos.
Au Planning familial, on craint en effet que Marisol Touraine n’ait jeté l’opprobre sur toutes les pilules. "Ne tombons pas dans le piège de l’injonction contraceptive : après le tout pilule, tout sauf la pilule !", a ainsi fait valoir Véronique Séhier, membre du bureau national de l’association. Cette dernière interpelle le gouvernement sur le message ambigu qu’il est en train de faire passer : "Soit les pilules de 3e génération sont dangereuses et doivent être immédiatement retirées du marché, soit ce n’est pas le cas […] et elles doivent être accessibles à toutes et remboursées. Il faut une position claire, cohérente et rassurante !"