Après avoir passé sept ans en prison pour un meurtre qu'il n'a pas commis, Marc Machin a été acquitté jeudi par la cour d'assises de Paris. Il devient ainsi la huitième personne réhabilitée en France à l'issue de son procès en révision.
Marc Machin, victime d'une erreur judiciaire qui lui a valu près de sept ans de prison pour rien, a été acquitté jeudi par la cour d'assises de Paris lors du huitième procès en révision criminel de l'histoire judiciaire du pays.
Après quatre jours d'audience et un court délibéré de trois heures, la cour a suivi le ministère public qui avait admis l'innocence de l'accusé tout en prenant la défense de l'institution judiciaire.
"Redonnez-lui sa dignité. Pour l'Histoire peut-être, pour son histoire sûrement, acquittez Marc Machin", avait dit l'avocate générale Maryvonne Caillibotte en conclusion de son réquisitoire.
"C'est avec honneur, l'honneur de faire partie d'une cour qui pourra faire réparation de la souffrance, des années de jeunesse perdues, (...) que je requiers le prononcé de
l'innocence de M. Marc Machin", avait-elle ajouté.
L'avocate générale n'en a pas moins défendu la pertinence de la procédure car pour elle, "l'erreur est humaine" et "il n'y a pas d'autisme de la justice". La procédure de révision est là pour résoudre l'erreur, a-t-elle estimé.
Marc Machin a déclaré aux journalistes après l'arrêt qu'il demanderait réparation financière de l'erreur, ce qui devra faire l'objet d'une nouvelle procédure.
"C'est un soulagement. Maintenant la vie continue, et elle est toujours difficile. J'ai besoin de me reconstruire et de me projeter sur l'avenir", a-t-il dit. "Comme tout le monde, j'espère trouver un travail, avoir une épouse (...) J'ai plein d'énergie pour aller de l'avant."
L'acquittement de cet homme de 30 ans a été rendu possible par le fait que le vrai coupable, David Sagno, s'est livré à la police en mars 2008. Son ADN a été découvert sur les restes de la victime et il a été condamné à 30 ans de réclusion en février 2012 pour les mêmes faits. Toute co-action a été exclue.
Pour le meurtre de Marie-Agnès Bedot le 1er décembre 2001 sous le pont de Neuilly (Hauts-de-Seine), Marc Machin, âgé au moment des faits de 19 ans, avait été condamné à 18 ans de réclusion en première instance comme en appel, en 2004 et 2005.
Pas de mise en cause de la police
Menant une vie de marginal, avec des antécédents d'abus sexuels, il était mis en cause sur le fondement d'un témoignage indirect, de rapprochements, et d'aveux très partiels devant les enquêteurs lors de sa garde à vue, rétractés par la suite.
L'avocate générale s'est abstenue dans son réquisitoire de toute mise en cause de l'institution, soulignant que l'enquête concernant Marc Machin avait été honnête et sincère et que les magistrats et les policiers étaient de bonne foi.
"Cette décision que l'on sait maintenant fausse était sérieuse et fondée sur les éléments d'un dossier qui lui-même était sérieux", a-t-elle dit.
Elle est passé rapidement sur les "aveux" devant la brigade criminelle qui apparaissent aujourd'hui comme extorqués. Marc Machin ne disait pas être l'auteur du crime mais disait s'être réveillé à côté du corps de la victime avec un couteau.
Il a dit à l'audience avoir fait ces aveux pour se décharger de la pression psychologique et a déclaré donc s'en considérer comme à moitié responsable. Le ministère public n'y voit donc pas un problème et a repris à son compte cette phrase de l'accusé : "Mes aveux, j'en suis à 50% responsable".
Maryvonne Caillibotte voit comme inhérent au fonctionnement judiciaire le fait qu'un nouveau meurtre d'une femme, Maria-Judith Araujo, commis sous le pont de Neuilly six mois après celui de Marie-Agnès Bedot, alors que Marc Machin était en détention, n'ait pas conduit à un nouvel examen de son dossier.
Le dossier était instruit par un autre juge et un autre groupe de la brigade criminelle, et aucun lien n'a été fait. David Sagno a finalement été condamné pour cet autre crime.
Les avocats des parties civiles avaient auparavant recommandé au système judiciaire d'enseigner cette affaire dans les écoles pour tenter d'en tirer des leçons.
Les révisions criminelles se font plus fréquentes depuis une réforme de 1989 les rendant possibles en cas d'éléments nouveaux jetant un doute sur une culpabilité, et non plus uniquement lorsqu'est apportée la preuve de l'innocence d'un condamné.
Reuters