L'acteur Gérard Depardieu ne veut plus simplement s'installer en Belgique : il pense aussi à abandonner la nationalité française. Un coup de gueule après la polémique sur les supposés motifs fiscaux de son exil. Mais quel est le régime fiscal belge ?
La cause semble entendue. Si Gérard Depardieu a choisi de devenir résident belge - voir d’abandonner sa nationalité française comme il l’a assuré, dimanche 16 novembre, au Journal du Dimanche - ce serait pour des raisons d’optimisation ou d’évasion fiscale.
Une nouvelle vie belge qui en énerve certains, comme Aurélie Filipetti, ministre française de la Culture, “scandalisée” par cet exil. D’autres, essentiellement à droite, en profitent pour tirer à boulet rouge sur la politique fiscale de la gauche. Le centriste Hervé Morin a ainsi appellé dimanche, sur Twitter, à "remettre en question une politique fiscale excessive”.
itMais au-delà de cette guerre des mots à forte connotation politique, le choix de la Belgique pour des raisons purement fiscales ne coule pas autant de source que tout le monde semble le croire. “Si Gérard Depardieu avait vraiment voulu échapper au maximum à l’impôt, il y a de meilleures destinations comme le Luxembourg ou la Bulgarie”, affirme à FRANCE 24 Thierry Afschrift, avocat et professeur de droit fiscal belge.
Ce spécialiste reconnaît que les très riches français se plaisent sous le soleil belge pour une raison principale : l’absence d’impôt sur la fortune. Une douceur fiscale qui explique, en partie, que de grandes fortunes made in France comme la famille Mulliez (empire Auchan) ou le baron du luxe français Bernard Arnault aient choisi de se domicilier en Belgique. À Néchin, où Gérard Depardieu veut élire domicile, plus du quart de la population est française.
Patrimoine financier, mon amour
Outre cette absence d’ISF, la fiscalité belge est alléchante mais n’est pas du calibre d’un paradis comme la Suisse ou Monaco. “La plupart des Français viennent en Belgique pour la différence importante dans la taxation du patrimoine financier”, explique Thierry Afschrift. Il n’y a ainsi “pratiquement” pas de taxation sur les plus values. En clair, si Gérard Depardieu décidait de revendre ses parts dans ses différentes sociétés (vignobles, restaurants et autres commerces à Paris), il ne paierait pas d’impôts sur le profit réalisé à cette occasion. En France, la cession de valeurs mobilières (comme les actions dans une entreprises) est taxée à 34,5 %.
Mais tant que Gérard Depardieu reste maître à bord de ses entreprises, il va continuer à payer un impot sur ses profits. Les dividendes versés par les sociétés dont le siège est en France sont taxés à la française (40 %). S’il en domicilie certaines en Belgique, le taux baisserait à 25 %. Pour ce qui est de ses maisons en France, l’acteur continuera, en revanche, a payer la taxe foncière.
L’autre avantage classique recherché par les Français qui veulent être fiscalement domiciliés en Belgique concerne les droits de successions. En France, le taux s’élève à 45 % de la succession. Rien à voir avec la Belgique où il est de 30 %. Mais la situation est encore plus avantageuse en cas de donation. “S’il décide de donner de son vivant son argent à ses enfants, l’imposition ne dépassera pas 3 %”, souligne Thierry Afschrift. Encore faut-il, rappelle cet expert, que les “enfants acceptent, eux-aussi, de s’installer en Belgique”. Sans quoi, ils devront s’acquitter d’une taxe en France qui peut atteindre 45 %.
Star à louer
Mais les choses se corsent lorsqu’il s’agit des revenus professionnels. “En la matière, la Belgique a l’une des taxations les plus lourdes au monde”, rappelle Thierry Afschrift. L’argent qu’il touche pour son travail d’acteur peut être soumis, en Belgique, à un impôt qui s’élève à 54 % des sommes perçues, contre 45 % au maximum en France.
Certes, la nouvelle taxe française de 75 % sur la part des revenus supérieure à un million d’euros par an n’existe pas en Belgique. Mais il n’en demeure pas moins que la fiscalité des revenus en Belgique aurait, a priori, de quoi pousser Gérard Depardieu à prendre sa retraite d’acteur.
Sauf que, comme le rappelle Thierry Afschrift, il existe en Belgique un moyen simple pour les stars du show-bizz d’alléger cette facture fiscale. “Il peut très bien utiliser le système du ‘rent a star’ (louer une star) qui consiste à créer une société qui touchera ses émoluements à sa place”, raconte ce fiscaliste belge. Dans ce cas, le taux d’imposition est beaucoup plus doux puisqu’il ne s’élève qu’à 34 %. Un petit montage beaucoup plus facile à réaliser en Belgique “où le fisc est moins tâtillon sur ces questions que son homologue français”, conclut Thierry Afschrift.