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Après avoir porté plainte pour diffamation, en octobre, contre les auteurs de "La frondeuse", Valérie Trierweiler a reçu le soutien du chef de l’État et du ministre de l’Intérieur. La défense dénonce des pressions de l’exécutif sur la justice.

La défense de Valérie Trierweiler, compagne du chef de l'Etat, a produit lundi des lettres de François Hollande et du ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, pour appuyer des poursuites en diffamation contre un livre de deux journalistes.

Valérie Trierweiler demande 80.000 euros de dommages et intérêts pour "diffamation et atteinte à la vie privée" aux auteurs de "La frondeuse", Alix Bouilhaguet et Christophe Jakubyszyn, et aux éditions du Moment.

Une lettre manuscrite de François Hollande a été produite par la défense, concernant un passage du livre relatant que l'actuel chef de l'Etat aurait écrit à Patrick Devedjian, personnalité de la droite, en 1994, pour rencontrer le Premier ministre d'alors, Edouard Balladur.

"Je tiens à dénoncer comme pure affabulation les passages du livre 'La Frondeuse' concernant une prétendue lettre jamais écrite et donc jamais parvenue à son prétendu destinataire", lit-on dans la missive à en-tête manuscrit avec une adresse personnelle à Paris, dont Reuters a eu une copie.

"L'invention ne peut être un procédé dans un essai politique sauf à être présenté comme un roman", ajoute le président dans ce document, daté du 25 novembre.

Manuel Valls conteste de son côté avoir mis en doute l'avenir du couple Hollande-Trierweiler.

"Les propos qui me sont prêtés dans ce livre sont souvent approximatifs, partiels et sortis de leur contexte", écrit-il sur papier à en-tête de son ministère. "Des propos portant sur des faits politiques ou des remarques à caractère personnel me sont attribués alors même que je ne les ai pas tenus".

"arme nucléaire"

La défense de l'éditeur et des auteurs s'est déclarée stupéfaite de ces démarches qui constituent à ses yeux une pression du pouvoir exécutif sur la justice. Yves Derai, directeur des éditions du Moment, a dit en marge de l'audience : "On sort l'arme nucléaire pour écraser une mouche".

A l'audience, les avocats de l'éditeur ont soulevé des arguments de procédure, estimant que Valérie Trierweiler n'avait pas visé de passages spécifiques dans sa poursuite.

Le tribunal a décidé de statuer sur cet argument et d'autres le 28 janvier, sans examiner le fond. L'affaire pourrait donc se terminer du fait de ce problème de procédure.

François Hollande avait promis durant la campagne présidentielle de ne pas mêler sa vie privée aux affaires de l'Etat. Son prédécesseur Nicolas Sarkozy avait été critiqué pour ses interventions dans des procédures judiciaires le concernant, comme par exemple celle de la manipulation Clearstream, où il était partie civile contre son rival Dominique de Villepin.

Le chef de l'Etat est garant en France selon la Constitution de l'indépendance des magistrats et procède à leurs nominations par décret. Toute intervention est vue juridiquement comme une pression par les juristes.

Démarche "citoyenne"

De source proche du président de la République, on évoquait lundi une démarche "individuelle, citoyenne et privée" de la part de François Hollande, "directement concerné" par cette affaire.

"Tout se fait dans la transparence puisque la lettre a été tranmise à la presse. On est à 10.000 lieues de quelconques voies de pression comme cela a pu se faire par le passé", a-t-on ajouté.

Bruno Beschizza, secrétaire national de l'UMP, a critiqué la démarche. "Ces deux courriers peuvent légitimement être considérés comme un moyen de pression tant sur le tribunal de grande instance de Paris que sur l'ensemble des journalistes couvrant l'événement. Mélange de genres ? Confusion des pouvoirs ?", s'interroge-t-il dans un communiqué.

Le Front national a aussi protesté. "C'est scandaleux. Je pense que la séparation des pouvoirs dans ce pays n'est pas respectée", a déclaré Gilbert Collard, député lié à ce parti, sur le Talk Orange-Le Figaro.