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Ulcos à Florange, un projet "vert" pas encore mûr

Le projet européen Ulcos, censé sauver les hauts-fourneaux de Florange, en y injectant une dose d’économie "verte", est au centre de la polémique actuelle entre ArcelorMittal et le gouvernement français. Mais de quoi s'agit-il ?

Pour beaucoup, Ulcos est avant tout synonyme de casse-tête politique et économique pour le gouvernement français. Mais savent-ils ce que recouvre réellement ce projet qui est - ou était - censé donner une seconde jeunesse, plus écolo, aux hauts-fourneaux sidérurgiques de Florange, aujourd’hui menacés de disparition ?

ArcelorMittal, qui tente actuellement de se débarrasser de ses hauts-fournaux lorrains, sait de quoi il retourne, mais n’y croit plus. Le géant indien de l’acier a adressé une lettre à la Commission européenne - qui supervise ce projet - pour lui signifier le retrait de sa candidature. Pierre Moscovici, lui, y croit toujours. Le ministre français de l’Économie l’a d’ailleurs répété, vendredi 7 décembre, sur les ondes de BFM : “nous nous battrons pour qu’Ulcos voit le jour” à Florange.

Ulcos est, en fait, un acronyme pour “Ultra-Low Carbon Dioxide Steelmaking” (processeur sidérurgique à très basse émission de dioxyde de carbone). Un projet scientifique en gestation depuis 2004 qui doit permettre à la filière de l’acier d’être beaucoup moins polluante : avec cette technologie, le C02 émis par les hauts-fourneaux de Florange serait réduit de 50 %.

Facture salée

Le dispositif Ulcos permettrait, en effet, de capter une partie du dioxyde de carbone qui sort des cheminées de Florange et d'enfouir ce surplus dans de la roche poreuse, à une centaine de kilomètres au sud de Verdun, dans la région lorraine. Un projet qui n’est pas développé que pour les beaux yeux des écologistes. Cette réduction du CO2 émis aurait également un impact sur la compétitivité des hauts-fourneaux. Le site industriel de Florange verrait sa facture en coût d’achat des fameux quotas d’émissions de CO2 baisser. Un avantage certain sur les autres sites moins “verts”

Mais pour en arriver à ce tableau idyllique, il faut de l’argent. Mener Ulcos à terme et l’installer à Florange coûte 623 millions d’euros. C’est là que le bât blesse. Sur le papier, la répartition du financement est très claire : la Commission européenne met 240 millions d’euros sur la table, l’État français et les collectivités territoriales sont censés apporter 180 millions d’euros et 48 entreprises de la filière sidérurgique, qui ont des activités en Europe, devaient financer le reste, soit un peu plus de 200 millions d’euros.

C’est cette part réservée au privé qui pose problème. Comme l’a rappelé ArcelorMittal dans sa lettre envoyée à la Commission européenne - que le quotidien économique "Les Échos" s’est procurée - le projet Ulcos est frappé d’une double tare : il subsiste des incertitudes scientifiques et la rentabilité économique n’est pas démontrée.

Et Ulcos II alors ?

La viabilité du procédé de captation de CO2 n’a jamais été prouvée pour un site comme les hauts-fourneaux de Florange qui produisent, chacun, jusqu’à 700 tonnes d’acier par jour. Le stockage du dioxyde de carbone n’est, en outre, “pas sans risque pour les sols”, explique aux "Échos" Pierre Toulhoat, directeur scientifique de l'Ineris (l'Institut national de l'environnement industriel et des risques).

La crise a, enfin, rendu les perspectives d’économie bien moins attrayantes. Le prix de la tonne de carbone a été divisé par cinq depuis 2008, ce qui rend l’achat de quotas de CO2 beaucoup moins onéreux. ArcelorMittal se demande donc si investir des centaines de millions d’euros pour peu d’économies vaut vraiment le coup.

Autant de problèmes qui semblent signer l’arrêt de mort économique du projet Ulcos. D’où l’idée de Pierre Moscovici qui, sur BFM, a affirmé que si Ulcos était mort, Ulcos II devenait son nouveau cheval de bataille. Cette deuxième mouture du projet à haute valeur écologique ajoutée devrait “voir le jour dans trois à six ans” et serait scientifiquement plus aboutie.

Un laps de temps qui ne devrait pas satisfaire les salariés du site de Florange. Il y a donc des chances qu’ils continuent à crier à la “trahison” aussi bien de la part d’ArcelorMittal que du gouvernement.