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Après la libération de Boualem Sansal, la France et l'Algérie doivent consacrer le dégel
La libération mercredi de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal marque une nouvelle phase diplomatique entre Paris et Alger. Mais des gestes forts sont attendus par l'Algérie pour arriver à une véritable normalisation des relations franco-algériennes. Décryptage.
L'ambassade d'Algérie à Paris, le 16 avril 2025. © Michel Euler, AP

La libération de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal est un geste fort marquant un apaisement diplomatique entre Paris et Alger. Mais tout reste à faire pour normaliser durablement une relation historiquement tumultueuse abîmée par une crise inédite depuis l'indépendance de l'Algérie.

"Nous entrons dans une nouvelle phase qui a commencé déjà il y a plusieurs semaines", estime Stéphane Romatet, l'ambassadeur de France en Algérie au lendemain de la grâce de Boualem Sansal par le président algérien Abdelmadjid Tebboune, à la demande de son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier.

L'écrivain est arrivé dans la soirée du mercredi 12 novembre à Berlin pour y recevoir des soins médicaux avant un éventuel retour en France.

La crise entre Paris et Alger avait atteint un niveau tel qu'il a fallu l'intervention d'un "pays tiers de confiance" pour le faire libérer, explique à l'AFP Stéphane Romatet. Rappelé à Paris au printemps dernier par le président Emmanuel Macron, le diplomate espère retourner prochainement à Alger.

Un autre Français, le journaliste Christophe Gleizes, reste en revanche détenu par l'Algérie.

Multiplication des incidents diplomatiques

La libération de Boualem Sansal devrait changer la dynamique entre les deux pays embourbés dans une crise déclenchée fin juillet 2024 lorsque le président français a apporté son soutien total à un plan d'autonomie sous souveraineté marocaine pour le Sahara occidental, revendiqué depuis 50 ans par les indépendantistes du Polisario soutenus par Alger.

L'Algérie avait immédiatement retiré son ambassadeur à Paris.

D'autres incidents, dont l'incarcération en France d'un agent consulaire algérien accusé d'être impliqué dans l'enlèvement de l'influenceur Amir Boukhors, avaient conduit à des expulsions réciproques de diplomates.

La priorité immédiate est la reprise des coopérations sécuritaire et migratoire, alors que la situation au Mali voisin s'est encore dégradée et que les expulsions de ressortissants algériens sous le coup d'une obligation de quitter la France sont quasi inexistantes depuis plus de six mois.

Rencontre Macron-Tebboune ?

Plusieurs temps forts sont envisagés pour normaliser les relations, à commencer par un appel, voire une rencontre, entre les deux présidents qui seront présents au sommet du G20 les 22 et 23 novembre à Johannesburg.

"Aucune réunion bilatérale n'est pour l'heure programmée mais on y travaille", explique un diplomate ayant connaissance du dossier. "Le G20 est une opportunité", souligne un autre.

À l'annonce de la libération de Boualem Sansal mercredi, Emmanuel Macron s'est dit "disponible pour échanger" avec son homologue "sur l'ensemble des sujets d'intérêt" commun.

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Après la libération de Boualem Sansal, la France et l'Algérie doivent consacrer le dégel
© France 24
41:27

Parallèlement, des hauts fonctionnaires devraient se rendre en Algérie, avec notamment une visite de la secrétaire générale du Quai d'Orsay prévue autour du 20 novembre, selon les mêmes sources diplomatiques.

Le ministre de l'Intérieur Laurent Nunez, partisan de l'apaisement avec Alger contrairement à son prédécesseur Bruno Retailleau qui prônait une ligne de fermeté, devrait également faire le déplacement.

"Le ministre de l'Intérieur algérien m'a invité à me rendre en Algérie, donc la probabilité que je m'y rende est très forte", a-t-il déclaré jeudi sur BFM/RMC.

La visite est en préparation mais aucune date n'est encore arrêtée.

Œuvrer pour un accord UE-Algérie

"Désormais, la balle est dans le camp français, puisque Paris avait conditionné le retour à un dialogue serein à la libération de Boualem Sansal", estime Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen.

Emmanuel Macron est "libéré de la pression politique intérieure sur ce dossier", dit-il. "Mais il va falloir donner beaucoup plus qu'une déclaration", prévient-il.

Interrogé sur les éventuelles contreparties à la libération de l'écrivain, Stéphane Romatet a assuré qu'il n'y en avait eu "aucune".

Le dossier de l'agent consulaire est important pour Alger, observe Hasni Abidi.

En outre, Alger pourrait s'assurer du soutien de Paris et Berlin dans le cadre de la révision de l'accord d'association entre Alger et l'Union européenne, plus grand partenaire commercial de l'Algérie. Ce traité, en vigueur depuis 2005, prévoit notamment l'élimination progressive et réciproque des droits à l'importation sur les biens.

Au printemps, lors d'une courte phase de reprise de dialogue, Emmanuel Macron avait "fait part au président Tebboune de l'appui de la France à la révision" de cet accord.

Des gestes sur le plan mémoriel

D'autres gestes sont attendus, notamment sur le plan mémoriel. Le président français s'est toujours dit déterminé à faire "le travail de mémoire, de vérité et de réconciliation" avec l'Algérie sur la colonisation française.

"Le mot d'ordre maintenant, c'est le réengagement avec un dialogue qui peut se faire dans la discrétion, de manière apaisée, calme, d'égal à égal, mais aussi avec une optique de résultat", estime Stéphane Romatet, conscient que toute reprise du dialogue est fragile.

En avril, un déplacement à Alger du chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, qui devait selon lui ouvrir "une nouvelle phase" positive entre les deux pays, avait été suivi la semaine suivante d'un regain de tensions.

Avec AFP