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Libération de Sansal : l’espoir renaît pour le journaliste Christophe Gleizes détenu en Algérie
La libération de l’écrivain Boualem Sansal, mercredi, ravive l’attention autour de Christophe Gleizes, journaliste français arrêté en mai 2024 lors d’un reportage sur le football en Algérie. Condamné à sept ans de prison pour “apologie du terrorisme”, il doit être rejugé en appel le 3 décembre. 
La mère du journaliste français Christophe Gleizes, Sylvie Godard, et son beau-père, Francis Godard, au siège de Reporters sans frontières (RSF) à Paris, le 27 août 2025. © Stéphane de Sakutin, AFP

Christophe Gleizes bientôt libre ? Au lendemain de la libération de Boualem Sansal, les proches et les soutiens espèrent le même dénouement pour le journaliste de 36 ans détenu depuis plus de quatre mois en Algérie. Condamné le 29 juin 2025 à sept ans de prison pour "apologie du terrorisme", Christophe Gleizes doit comparaître en appel début décembre. 

 "Christophe Gleizes reste combatif", confie son avocat Me Emmanuel Daoud. "Il a l'espoir de convaincre les juges de sa totale bonne foi. Il n'est qu'un journaliste sportif, passionné par son métier, venu réaliser un reportage sur le football algérien." 

L'affaire débute en mai 2024, lorsque Christophe Gleizes, collaborateur régulier de So Foot et Society, arrive en Algérie pour un sujet sur la Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK), l'un des plus grands clubs du pays. Le journaliste indépendant compte aussi réaliser le portrait d'un joueur assassiné dans les années 1990 et une interview de l'entraîneur français du Mouloudia Club d'Alger. 

Le 28 mai, alors qu'il se rend à Tizi Ouzou pour son reportage sur la JSK, il est arrêté par la police. Les diplomates français se montrent optimistes, le journaliste étant entré avec un visa touristique et sans accréditation presse, il devrait juste être expulsé du territoire. Mais quelques jours plus tard, ses proches apprennent qu'il est placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le territoire. L'accusation se durcit : il est poursuivi pour "apologie du terrorisme" et "possession de publications dans un but de propagande nuisant à l'intérêt national". 

Une accusation qui "ne tient pas la route" 

Les autorités lui reprochent d'avoir été en contact, en 2015 et 2017, avec l'un des responsables du Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie, classé organisation terroriste en 2021 par les autorités algériennes. Une accusation qui "ne tient pas la route", estime Thibaut Bruttin, directeur général de Reporters sans frontières (RSF) qui mène, depuis des mois, une campagne pour exiger sa libération. "Christophe Gleizes se concentrait sur le football sous un angle social, et n'était pas propagateur des forces politiques avec lesquelles il était en contact. Cette accusation est une méconnaissance du fonctionnement du métier de journaliste." 

Pendant plus d'un an, le journaliste indépendant pointe régulièrement au commissariat. Son entourage choisit la discrétion, suivant les conseils du Quai d'Orsay pour éviter toute politisation du dossier. Mais sa condamnation en juin 2025 à sept ans de prison ferme par le tribunal de Tizi Ouzou change la donne. Elle intervient dans un contexte de crise aigüe entre l'Algérie et la France, marquée par des expulsions de diplomates de part et d'autre et un gel de toutes les coopérations. 

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Relayée par Reporters sans frontières et son employeur, le groupe So Press, cette condamnation déclenche une vaste mobilisation. RSF multiplie les actions : le visage du journaliste s'affiche sur le Tour de France, dans plusieurs stades de Ligue 1 et lors de festivals comme Rock en Seine. 

"Le soutien est transpartisan, du monde sportif comme culturel", souligne Thibaut Bruttin. "Et la bienveillance et des citoyens donnent beaucoup d'espoir." À Agen, sa ville natale, une bannière #FreeGleizes est déployée sur la façade de la mairie. Fin septembre, 16 écoles de journalisme se mobilisent avec banderoles et conférences. Et une pétition pour sa libération réunit plus de 22 000 signatures

Ses parents, qui ont pu lui rendre visite à deux reprises au parloir en août, ont trouvé un fils qui garde "le moral" mais "qui se sent coupé du monde". Christophe Gleizes est aujourd'hui le seul journaliste français détenu à l'étranger. Spécialiste du football africain, il a vécu une partie de son enfance sur le continent et y a signé de nombreux reportages. Collaborateur de So Foot et Society depuis douze ans, il est décrit par ses confrères de So Foot comme quelqu'un de "résolument rieur, libre, jovial, généreux et enjoué, quelles que soient les circonstances et les situations".  

"Passer les fêtes de Noël" en liberté 

Après la grâce accordée par le président algérien, l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal est arrivé mercredi soir à Berlin où il devait recevoir des soins médicaux, avant un éventuel retour en France. Le président Abdelmadjid Tebboune "a répondu favorablement" à une demande de son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier, "concernant l'octroi d'une grâce en faveur de Boualem Sansal", a indiqué un communiqué officiel. Une décision qui devrait changer la dynamique entre Paris et Alger. 

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a affirmé rester "attentif" à la situation de Christophe Gleizes, "dont nous espérons la libération prochaine", tandis que le président Emmanuel Macron a également rappelé "penser à notre compatriote Christophe Gleizes". 

Interrogé sur BFM TV-RMC, l'ambassadeur de France en Algérie, Stéphane Romatet, est aussi revenu sur le sort du journaliste : "Nous espérons une solution de sagesse en faveur de Christophe Gleizes." À droite comme à gauche, les appels à sa libération se sont multipliés : PS, RN, LFI, PCF, Écologistes... tous ont exprimé leur solidarité. 

Contrairement à l'écrivain franco-algérien, Christophe Gleizes ne peut pas encore espérer de grâce présidentielle. Cette voie ne pourra être explorée qu'une fois sa condamnation définitive prononcée. 

Le 3 décembre, Christophe Gleizes sera défendu par ses deux avocats : Amirouche Bakouri, son conseil algérien, qui lui rend régulièrement visite à la prison de Tizi Ouzou, et Emmanuel Daoud, son avocat français. "J'y pense tous les jours", déclare ce dernier. "J'ai envie que Christophe Gleizes passe les fêtes de Noël avec ses parents et sa compagne, et qu'il reprenne son métier de journaliste." Attendu en Algérie fin novembre pour préparer le procès, Me Emmanuel Daoud dit "croire à l'indépendance de la justice".