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L'imprimante 3D : la machine à fabriquer du chocolat... ou des armes

Un jeune Américain s’est filmé en train de tirer avec un fusil en partie créé par une imprimante 3D. Illustration du potentiel d'une technologie qualifiée par certains de révolutionnaire et qui nourrit de nombreux fantasmes.

C’est en apparence une vidéo comme il en existe des dizaines d’autres sur YouTube, Dailymotion et autres Vimeo. Elle met en scène un jeune homme armé d'un fusil dont il tire six coups de feu. Mais cet Américain de 25 ans n’a pas fait de détour chez l’armurier du coin avant de se défouler. Il a fabriqué l’arme chez lui en utilisant une imprimante 3D.

Cette vidéo, d’abord repérée en France par le site du "Figaro", est le premier test grandeur nature d’un fusil fait maison. C’est toute la raison d’être du projet Wiki Weapon de l’étudiant texan Cody Wilson, auteur de cette démonstration : créer une arme à feu uniquement à partir d’une imprimante 3D, puis mettre en ligne des modes d’emploi pour que tout un chacun puisse en faire autant à domicile.

Pour l’heure, la vidéo démontre surtout que ce projet n’est pas encore au point. L’arme n’a pu être entièrement fabriquée en plastique grâce à l’imprimante : Cody Wilson a dû y ajouter un canon et une crosse en métal. De plus, le fusil s’est autodétruit après six coups de feu alors que son créateur espérait qu’il tiendrait le choc plus longtemps. Il s‘est donc remis au travail.

Troisième révolution industrielle ?

La volonté de ce MacGyver 2.0 n’est pas d'introduire plus d'armes dans les foyers américains. Cody Wilson espère, avant tout, que l'administration américaine prenne conscience des dangers inhérents à cette technologie innovante, qui fait actuellement rêver petits et grands sur ses promesses de révolutionner la manière dont sont fabriqués les objets les plus divers.

Car l’impression 3D a le vent en poupe. Le très sérieux magazine britannique "The Economist" l’a même élevée, en avril 2012, au rang de pièce centrale de la 3e révolution industrielle à venir. Le procédé utilisé donne, en effet, une idée des champs des possibles. Il suffit de se procurer l'imprimante adéquate, dont les modèles d’entrée de gamme coûtent aux alentours de 2 000 dollars, et de trouver sur Internet un schéma de construction.

L’artisan 3D charge alors les instructions sur son imprimante, qui se met ensuite en branle. Elle construit l’objet désiré, couche après couche et à partir de matériaux, préalablement incorporés dans la machine, tels que le plastique, la céramique ou encore l’argent. Il peut s’agir d’un bol, d’une statuette ou encore du manche d’une casserole.

Son utilisation gagne, aussi, rapidement du terrain pour la création de prototypes industriels. Des secteurs entiers, comme l’aéronautique, s’y sont mis. “Près de 70 pièces du dernier avion Boeing ont été fabriquées comme ça”, raconte Clément Moreau, directeur général et co-fondateur de la start-up française Sculpteo spécialisée dans l’impression 3D.

D'ailleurs, "The Economist" n’hésite pas à affirmer que dans un futur plus ou moins lointain, l’impression 3D permettra de fabriquer un peu de tout, que ce soit dans son “garage ou dans un village africain”. Une décentralisation de la production qui pourrait changer la face de l'économie : "aujourd'hui, il y a essentiellement un pays - la Chine - qui fabrique intensivement. Pour le reste, l'impression 3D peut permettre de ramener la production plus près du consommateur", prédit Clément Moreau.

Ces promesses de lendemains qui chantent ont déjà suscité un bon nombre de vocations d’entrepreneurs. Les fabricants comme l’Américain MakerBot vendent leurs imprimantes 3D aux particuliers ; la start-up française Sculpteo s’est également engouffrée dans la brèche et propose une fabrication “à la demande et sur mesure” à partir de schémas transférés sur le site ou créés depuis l’application mobile de cette société (disponible sur iPhone/iPad).

Tout ce petit monde espère que les prédictions du cabinet américain de conseil Wholer Associates se réaliseront a raison, puisque ce dernier prévoit, dans une récente étude, que le marché pèsera trois milliards de dollars en 2016. Un enthousiasme que partagent plusieurs gouvernements. Les États-Unis ont investi, en 2012, 30 millions de dollars pour soutenir les projets d’impression 3D et les Britanniques plus de 10 millions d’euros.

Et la qualité dans tout ça ?

Mais cette ruée vers l’or tridimensionnel ne va pas sans risque. La technologie, du moins à portée du grand public, n’en est encore qu’à ses balbutiements. À trop en attendre, la frustration peut très vite pointer le bout de son nez. L’impression prend ainsi beaucoup de temps : pour une simple tasse il faut compter plus d’une heure de travail. Pas question donc de refaire tout le service de mamie en une journée.

La qualité n’est pas non plus toujours au rendez-vous. Les objets fabriqués par les imprimantes 3D d’entrée de gamme restent granuleux et pas forcément satisfaisant. “Ils ne seront pas toujours prêts à l’emploi, et il faut être prêt à essayer plusieurs fois pour obtenir un résultat concluant”, reconnaît  Graham Tromans, un consultant britannique en technologie d’impression tridimensionnelle, contacté par FRANCE 24.

Un risque de défaut qui peut avoir des répercussions en terme de sécurité. “Que se passera-t-il si quelqu’un transporte une casserole d’eau bouillante avec un manche défectueux imprimé en 3D et qui lâche ?”, s’interroge ainsi Graham Tromans.

Pour plus de fiabilité, il faut se tourner vers des solutions plus “pro” qui coûtent, elles, plusieurs centaines de milliers d’euros. En outre, “ces imprimantes haut de gamme que nous utilisons prennent une heure par millimètre”, reconnaît Clément Moreau.

Il faut aussi réfréner ses rêves de grandeur. Les derniers modèles de la marque MarketBot ne permettent ainsi que de créer des objets au format 28,4 (longueur) x 15,2 (largeur) x 15,4 (hauteur) cm.

L’impression 3D n’est pas encore l’incarnation du rêve d’une production personnalisée à la demande. Mais tous les professionnels du secteur sont convaincus que ce n’est que le début de l’aventure. “On a tendance à dire dans le milieu qu’en théorie tout ce qui peut être réduit en poudre peut être imprimé”, assure Clément Moreau.

Il n’est donc pas impossible qu’à l’avenir cette technique permettre de produire de la nourriture. “Certaines universités ont déjà fabriqué du chocolat comme ça, mais j’avoue ne pas être pressé de le goûter”, raconte cet entrepreneur.

Pour lui, l’avenir passe plutôt par “les arts de la table et les bijoux personnalisés”. Il y a aussi des applications plus pédagogiques, suggère Graham Tromans. “L’impression 3D en milieu scolaire peut permettre de donner une représentation physique des objets d’études”, suggère-t-il.
 

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