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"Le dopage est hyper présent dans le football"

Le président de l’instance du football européen (UEFA), Michel Platini, a affirmé mercredi dans le quotidien Ouest France qu’il ne pensait pas qu’il y ait du "dopage organisé dans le foot". Des propos qui ont fait bondir le Dr de Mondenard.

"J’ai déclaré que je ne pensais pas qu’il y avait du dopage organisé dans le foot. Il y a peut-être quelques cas isolés. Mais je ne vois plus les clubs de football organiser leur dopage." Dans une interview donnée mercredi 28 novembre au quotidien français Ouest France, le président de l’UEFA, Michel Platini, a réitéré des propos qu’il tient depuis un bon moment. Ainsi à l’occasion du comité de pilotage de l’Euro 2016 organisé le 23 octobre dernier à Paris, l’ancien numéro 10 des Bleus déclarait déjà : " Tout se sait, les joueurs bougent beaucoup. En revanche, que quelqu'un prenne quelque chose à l'insu des autres, ça c'est possible. Mais ce n'est pas facile à faire et les médecins sont responsables."

Rien de bien neuf donc d’autant que ces déclarations font écho à celles de Joseph Blatter, le président de la la Fédération internationale de football (FIFA) qui confiait au magazine de l’instance du football mondial en mars 2004 qu’: "il n’existe aucun produit capable de faire d’un mauvais joueur un bon joueur et d’un bon joueur un grand joueur."
Des propos qui ne se penchent pas sur la vraie réalité du dopage à savoir augmenter ses performances au-delà de ses capacités physiques réelles (endurance, vitesse, réactivité...).

Il faut dire que dans le football, la lutte anti-dopage est un sujet délicat ! Ainsi en 2006 pendant le Mondial allemand, la Fifa n’a pratiqué aucun contrôle sanguin pour détecter

d’éventuelles transfusions. "Nous considérons la probabilité de cette pratique dans le football tellement faible que ce serait une perte de temps, d’argent et d’énergie que de faire des contrôles sanguins", expliquait alors au journal Le Monde Jiri Dvorak, le médecin chef de la Fifa.

Joint par FRANCE 24, le Docteur Jean-Pierre de Mondenard, éminent spécialiste de la lutte anti-dopage et auteur du livre "Dopage dans le football, la loi du silence (Editions Jean-Claude Gawsewitch)" revient sur les derniers propos tenus par le président de l’UEFA Michel Platini concernant le dopage dans le football.

FRANCE 24 : Michel Platini a indiqué mercredi qu’il ne pensait pas qu’il y ait du dopage organisé dans le football. Que vous inspirent ces propos ?

Dr de Mondenard : Ce n’est pas nouveau. C’est un pilonnage de désinformation faite par le milieu du football depuis des décennies. Joseph Blatter, Michel Platini et Jiri Dvorak nous prennent pour des enfants décérébrés en nous disant que dans le football le dopage ne sert à rien car il s’agit d’un jeu collectif et que le dopage ne changera pas un pied carré (sic) en quelqu’un d’habile ! Ce ne sont que des âneries.
Le dopage sert à stimuler les capacités physiques. Il améliore la vitesse de pointe, la réactivité, la détente verticale… Leurs arguments sont donc complètement bidons.

F24 : Pourquoi alors Michel Platini souhaite-t-il nier la pratique d’un dopage organisé dans le football, mais admettre "quelques cas isolés" tout en affirmant très sérieusement que ce sont les angles des caméras de télévision, les façons de filmer qui ne sont pas les mêmes partout, qui donnent l’impression des différences de rythmes flagrantes entre certaines équipes, certains championnats ?

Dr de Mondenard : C’est une plaisanterie ! Le but est de mettre le doute dans l’esprit des gens quitte à raconter des histoires à dormir debout. Michel Platini et consorts minimisent la pratique dopante. Aujourd’hui, ils ne peuvent plus dire qu’elle n’existe pas, mais ils affirment qu’elle n’est pas organisée. Ils minimisent la part de la dérive. Dans les faits, ce n’est pas le cas.

Une étude datant de 1958 effectuée par Gerardo Ottani, ancien footballeur de Bologne, devenu médecin et même président de la société de médecine du sport italienne est exemplaire à plus d’un titre. Déjà, son enquête révélait des pratiques dopantes en Série A (1ère division italienne NDLR). Il en a conclu que 27% des joueurs prenaient des amphétamines, 62% prenaient des stimulants du cœur et de la respiration et 68% prenaient des stéroïdes anabolisants. C’était en 1958 avec 1 seul match et 2 entraînements par semaine. L’argent était beaucoup moins important et pourtant on voit que tous prenaient quasiment des trucs. Après on essaye de nous faire croire qu’aujourd’hui ils sont tous à la Vittel-Cassis…

Une autre étude de Jiri Dvorak publiée en 2002 montre que 92 % des footballeurs de haut niveau sont prêts à tricher pour le gain du match. Mais au final, la triche ne me dérange pas, ce qui me dérange ce sont les systèmes inopérants mis en place pour contrôler la triche !

F24 : Le football est donc loin d’être immunisé contre les pratiques dopantes ?

Dr de Mondenard : À l’origine, le dopage, ce n’est pas l’argent, c’est la compétition, l’ego. Personne ne souhaite être dernier. Tout le monde veut exister. Le vecteur du dopage et de la triche, c’est la médiatisation. Plus il y a de médiatisation, plus il y a de la triche. En curling, dans les fléchettes, à la pétanque il y a des cas positifs. Pourquoi alors n’y aurait-il pas de dopage dans le football ? C’est une absurdité totale de vouloir faire croire qu’il n’y en a pas. Le dopage est hyper présent dans le football.

F24 : La lutte anti-dopage est donc comme dans le cyclisme inefficace ?

Dr de Mondenard : Rapportés au nombre de licenciés et selon mes calculs, le rapport est de 1 contrôle dans le football pour 2000 dans le cyclisme ! Les contrôles inopinés sont quasi inexistants dans le foot, les contrôles sanguins peu nombreux. Tout est fait pour que l’on ne trouve personne. De toute façon, il n’y a aucun sport épargné par le dopage et par la triche. Elle fait partie de la nature humaine, c’est donc inévitable. 

Tags: Football, Fifa, Dopage,