François Hollande a finalement décidé de tenir la promesse de Nicolas Sarkozy. La France est le premier pays occidental à soutenir l’initiative de Mahmoud Abbas pour que la Palestine accède au statut d’"État non membre observateur" à l’ONU.
Le Proche-Orient a besoin d’audace. Après bien des hésitations, François Hollande et son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, ont décidé de suivre la trace de leur "maître", François Mitterrand. Lorsque cet ami indéfectible d’Israël décide de reconnaître l’OLP et reçoit Yasser Arafat à Paris en 1989, il déplace brutalement les lignes. Les réactions sont violentes. Dans la communauté juive française, en Israël et aux États-Unis, on crie à la trahison, mais quelques années plus tard, les accords d’Oslo donnent raison au président français.
En décidant de voter "oui", jeudi 29 novembre, au projet palestinien (actuellement en discussion à l’ONU), non seulement la France tient une promesse de Nicolas Sarkozy et de Bernard Kouchner, mais elle se singularise à nouveau parmi les alliés d’Israël.
Pourtant, dans ses premières déclarations sur le sujet, François Hollande s’était montré très circonspect. En recevant Mahmoud Abbas à l’Elysée en juin dernier, il s’était contenté de plaider pour une "reprise des négociations sans conditions" et n’évoquait même plus la question des colonies. Ces dernières semaines, il semblait même connaître une lune de miel avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. La France avait alors tenté de convaincre les Palestiniens de différer à nouveau leur projet, invoquant l’approche des élections en Israël propice à toutes les surenchères.
Abbas ne cèdera pas
Déjà le gouvernement israélien menace et hurle à la violation des accords d’Oslo (qui ne disent pourtant rien sur cette question). Il envisage de destituer Abbas, de déchirer lesdits accords. Contraints par une stricte législation de leur Congrès, les Etats-Unis menacent, quant à eux, de lui couper les vivres : 450 millions de dollars de contribution au budget de l’Autorité palestinienne. Mais Abbas, cette fois-ci, ne reculera ni devant Israël ni devant les conséquences financières de ce geste. Selon un proche du chef de l’Autorité palestinienne, celui-ci, considérant qu’il n’a plus rien à perdre, est prêt à prendre les uns et les autres au mot. Si les menaces sont mises à exécution, il se tournera vers la communauté internationale et vers Israël. Aux uns, il dira : "Voulez-vous réellement que la situation aujourd’hui sous contrôle en Cisjordanie tourne au chaos, faute de moyens pour payer les traitements des fonctionnaires et verser les aides sociales ?" Et au "partenaire" israélien : "Vous ne voulez plus de moi ? Plus de l’Autorité palestinienne ? Voici les clés. Faites comme chez vous. La vie de deux millions et demi de Palestiniens est désormais votre problème. Je ne réponds plus de rien".
En réponse à ce possible scénario, dans le camp de la paix israélien aussi, des voix se font entendre en faveur du soutien de l’initiative. Ainsi Yossi Beilin, l’un des architectes des accords d’Oslo, estime que si les Américains et les Israéliens persistaient dans leur attitude, cela porterait "le coup de grâce" à un Abbas déjà très affaibli.
L’inconnue Obama
itSelon un diplomate européen en poste à l’ONU, c’est l’une des raisons pour lesquelles d’autres pays - en particulier européens- pourraient être tentés de suivre l’exemple français. Certes, ils pèsent le risque de réactions américaines et israéliennes négatives, mais considèrent que le récent succès politique du Hamas à Gaza mérite d’être balancé par un coup de pouce à l’Autorité palestinienne en danger de marginalisation. Ils ont d’ailleurs observé que le chef du bureau politique du Hamas, Khaled Mechaal, avait apporté son soutien à Abbas, alors qu’il était jusqu’ici plutôt réservé sur la question. Et pour cause : Abbas demande la reconnaissance de l’État palestinien dans le cadre des frontières de 1967. Or le Hamas considère comme sacrilège le renoncement à la moindre parcelle de la Palestine "historique" pré-existante au plan de partage de 1947. Surtout, ces pays qui devraient soutenir le projet palestinien estiment que ce statut d’État non membre (celui dont jouit un seul autre État, le Vatican) est de nature à relancer les négociations directes entre les deux parties, d’État à État.
Ces derniers jours, l’Autorité palestinienne aurait pris deux engagements pour obtenir le vote de la France : ne plus faire du gel de la colonisation un préalable à la reprise des discussions avec Israël et renoncer provisoirement à l’un des privilèges de ce nouveau statut : la saisine de la Cour pénale internationale pour y poursuivre Israël. Évidemment, comme on le confirme de source diplomatique palestinienne, aucun de ces engagements ne sera écrit noir sur blanc. Mais la France, et avec elle les autres pays occidentaux qui voteront finalement "oui", comptent sur l’esprit de responsabilité de la partie palestinienne.
Reste une dernière inconnue : l’attitude de l’administration américaine. Après l’admission de la Palestine comme membre de plein droit à l’Unesco, elle s’était retirée de l’institution. On n’imagine pas les Américains se retirer de l’ONU, ni même interrompre leur contribution financière (22% du budget régulier et 28% des opérations de maintien de la paix. C’est donc bien la quote-part américaine au budget de l’Autorité palestinienne qui risque d’être le prix à payer pour Mahmoud Abbas.
Mais au-delà, Barack Obama doit se sortir d’une situation politiquement délicate. En 2010, il avait promis aux Palestiniens un État reconnu par l’ONU en 2011. Il espérait alors une reprise des négociations, mais Benjamin Netanyahou a refusé de prolonger le moratoire sur les colonies. Le département d’État avait alors réussi à convaincre Abbas d’attendre la réélection d’Obama avant de retourner à l’ONU. Son deuxième mandat change-t-il la donne ? Pour l’instant, le président réélu a préféré se tourner vers l’Asie. Pourra-t-il rester longtemps inactif, pour ne pas dire indifférent à ce qui se joue au Proche-Orient ?