Après 15 jours de course, la flotte du Vendée Globe a déjà perdu 7 skippers sur les 20 qui avaient pris le départ des Sables d’Olonne le 10 novembre dernier. Une véritable hécatombe !
L’Everest des mers porte bien son nom. Quinze jours après le départ de la 7e édition du Vendée Globe, 7 skippers ont déjà abandonné, soit 35% de la flotte engagée.
Marc Guillemot (Safran), victime d’une avarie sur sa quille, a été le premier à rentrer aux Sables d’Olonne. Kito de Pavant (Groupe Bel) et Louis Burton (Bureau Vallée) n’ont pas tardé à le rejoindre, après avoir été percutés par des chalutiers. De son côté, la seule femme de cette édition, Samantha Davies (Savéol), a démâté. Jérémie Beyou (Maître Coq), a été trahi par sa quille. Le Polonais Zbigniew Gutkowski (Energa), a lui décidé d’abandonner en raison de nombreux problèmes électriques. Enfin, dimanche 25 novembre, Vincent Riou (PRB), a annoncé qu’il jetait l’éponge après avoir heurté une grosse bouée métallique au large du Brésil.
En 2008-2009, lors de la précédente édition du Vendée Globe, les sixième et septième abandons étaient intervenus beaucoup plus tard, les 7 et 10 décembre, soit un mois après le départ de la course.
"Chaque abandon est pour nous un arrachement douloureux. Mais ce qui fait la beauté du Vendée Globe, c’est son exceptionnelle dureté, son caractère parfois tellement injuste et aléatoire qui génère pour le grand public une telle fascination et qui en fait aussi une aventure sportive unique au monde", explique ainsi Bruno Retailleau, président de la SAEM Vendée.
FRANCE 24 a interrogé l’architecte Guillaume Verdier qui a dessiné 6 des 20 bateaux présents au départ de cette 7e édition : Vincent Riou (PRB), Armel Le Cléac'h (Banque Populaire), Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3), François Gabart (Macif), Marc Guillemot (Safran), Kito de Pavant (Groupe Bel).
FRANCE 24 : Trois de vos bateaux occupent actuellement les 3 premières places de ce Vendée Globe, vous devez être forcément ravi ?
Guillaume Verdier : Évidemment on est très content que nos bateaux soient en tête. Après, la course est longue, le Vendée Globe est plein d’aléas.
F24 : Justement, le nombre conséquent d’abandons depuis le départ de la course montre-t-il que les bateaux sont plus fragiles qu’avant ?
G.V. : Je ne crois pas que les bateaux soient plus fragiles. Mais ils vont plus vite. Toutefois, les conditions de sécurité sont plus élevées qu’avant. On est dans un environnement extrêmement sollicitant pour l’homme et pour sa machine. Il y a eu beaucoup d'abandons suite à des collisions. Pourtant l’électronique a augmenté à bord. Je pense qu’il faudrait de meilleurs moyens pour détecter ces collisions, mais cela n’existe pas vraiment. La mer est juchée d’embûches et anticiper ces collisions est quasiment impossible.
L’abandon de Marc Guillemot nous a fait mal car on a travaillé comme des fous sur ce bateau. On pensait qu’il n’y aurait pas de problèmes car il est vraiment très suivi. Mais on n’est pas à l’abri d’anomalies. Une commission "enquête-accident" avec des experts indépendants va prendre en main le dossier.
F24 : Certains skippers à l’instar de Jérémie Beyou plaident pour des monocoques tous identiques, une harmonisation qui, selon lui, permettrait à plus de bateaux de terminer le Vendée Globe. Que pensez-vous de cette idée ?
G.V. : Je ne pense pas que la monotypie se prête à une course telle que le Vendée Globe. Les marins partent avec leurs matériels. La grande majorité des skippers souhaite partir avec un bateau qu’ils auront conçu. Pour la plupart, ils veulent une machine sur mesure et je pense qu’ils ont raison car ils ont chacun leur façon de naviguer, des capacités physiques différentes pour chacun. Un bateau doit être adapté à son marin. De plus, je ne crois pas qu’un million de personnes se soit déplacé aux Sables d’Olonne pour voir 20 à 30 bateaux identiques. De toute manière, les sponsors et les skippers ont refusé pour le moment.
Depuis sa première édition, le Vendée Globe n’a jamais été épargné par la casse. En 1989-1990, treize marins étaient au départ, sept avaient réussi à boucler leur tour du monde (54% de la flotte). En 1992-1993, le pourcentage avait baissé à 50% (quatorze marins, sept classés). En 1996-1997, encore pire ! Lors de cette édition tragique avec la disparition du Canadien Gerry Roufs, il y avait eu quinze engagés pour seulement six classés (40%). En 2000-2001, le rapport s’est inversé avec 24 partants pour 15 classés (62,5%). En 2004-2005, le pourcentage a encore augmenté avec 20 concurrents au départ pour 13 classés (65%). Mais cette nette évolution a subi un coup d’arrêt en 2008-2009 avec 29 engagés pour 11 classés (40%).
Cette année, nous en sommes donc déjà à 65%, soit autant que le décompte final de l'édition 2004-2005. Selon toute vraisemblance, ce pourcentage devrait encore baisser à l’approche des redoutables mers du Sud et de l’océan Indien puis à l’approche du cap Horn.