Le Club des juges d'Égypte a lancé une grève ouverte, samedi, pour protester contre le décret renforçant les pouvoirs du président Morsi. La mobilisation des magistrats intervient alors que l’opposition appelle à de nouvelles manifestations.
La mobilisation contre le coup de force du président Mohamed Morsi se déplace sur le terrain judiciaire avec l’annonce d’une grève ouverte par le Club des juges égyptiens au Caire et l'association des juges d’Alexandrie. Selon l’agence officielle Mena, ces derniers cesseront le travail dans tous
les tribunaux à partir de ce samedi pour protester contre ce que le Conseil judiciaire suprême appelle une "attaque sans précédent" du président égyptien contre l’indépendance des magistrats.
Le décret controversé met les décisions de Mohamed Morsi à l'abri de recours devant un pouvoir judiciaire avec lequel il entretient des relations houleuses. Ces dispositions sont censées durer jusqu'à l'adoption d'une nouvelle Constitution, un processus aujourd'hui enlisé et qui pourrait prendre plusieurs mois.
Occupation de la place Tahrir
Place Tahrir, une trentaine de tentes étaient installées, selon un journaliste de l’AFP, des opposants ayant décidé d'observer depuis la veille un sit-in pour protester contre la décision du président. De petits groupes de manifestants continuaient d'occuper la place en fin de matinée, après avoir fui un peu plus tôt les gaz lacrymogènes en se réfugiant dans des rues adjacentes. Le trafic était quasiment interrompu sur ce grand carrefour habituellement encombré du centre-ville.
La veille, des milliers de personnes s'étaient rassemblées sur cette place à l'appel de personnalités ou de mouvements laïques et libéraux en criant "Morsi dictateur", alors que des manifestants avaient incendié des locaux du parti politique issu des Frères musulmans dans d'autres villes du pays.
Une manifestation rivale, aux cris de "Morsi on t'aime" s'était tenue devant le palais présidentiel dans la capitale, en soutien au président qui s'est dit déterminé à assumer ses pouvoirs renforcés annoncés jeudi dans une "déclaration constitutionnelle". Devant ses supporters, le président égyptien a promis que le pays continuerait sur la voie de "la liberté et de la démocratie". Au yeux de ses partisans, le renforcement de ses pouvoirs permettra d'accélérer les réformes en ce sens.
Appel à de nouvelles manifestations anti-Morsi mardi
Des partis politiques égyptiens, notamment le Courant populaire arrivé troisième de la présidentielle de juin, ont appelé leurs sympathisants à poursuivre les manifestations mardi au Caire. Des manifestants de gauche, libéraux, socialistes et d'autres ont appelé à défiler jusqu'à la place Tahrir dans le but de renverser un décret qu'ils jugent "fasciste et despotique".
"Nous sommes dans un moment historique dans lequel soit nous terminons notre révolution, soit nous l'abandonnons pour devenir la proie d'un groupe qui a placé de petits intérêts politiques au-delà de l'intérêt national", est-il écrit dans un communiqué publié vendredi soir sur la page Facebook du parti El-Dostour appelant à manifester.
Les marches débuteront à 15H00 GMT de différents lieux de la capitale et convergeront vers la place Tahrir, lieu symbolique de la révolte qui a conduit à la chute de Hosni Moubarak en 2011.
Inquiétude de la communauté internationale
D'autres ténors de l'opposition, comme l'ancien chef de la Ligue arabe Amr Moussa et l'ancien chef de l'agence nucléaire de l'ONU Mohamed ElBaradei, ont également dénoncé les mesures prises par M. Morsi, qualifié de "nouveau pharaon".
Dans la communauté internationale, Américains et Européens ont exprimé leur inquiétude de voir ces mesures entraver la démocratisation du pays le plus peuplé du monde arabe.
Washington a rappelé que "l'une des aspirations de la révolution (de 2011) était de s'assurer que le pouvoir ne serait pas trop concentré entre les mains d'une seule personne ou d'une institution".
Le département d'État américain a souligné que le renforcement des pouvoirs de M. Morsi "suscitait des inquiétudes" et appelé les différentes parties à résoudre leurs différends "par le dialogue démocratique".
L'Union européenne, de son côté, a appelé le président égyptien à respecter "le processus démocratique" et Paris a estimé que les décisions prises n'allaient pas "dans la bonne direction".
France 24 avec dépêches