L'Argentine est, depuis mardi, paralysée par une grève générale organisée pour protester contre l'érosion du pouvoir d'achat. Un mouvement qui, dans un contexte de crise, affaiblit un peu plus le pouvoir de Cristina Kirchner.
Cela fait 10 ans que l’Argentine n’avait pas connu pareille paralysie. Mardi 21 novembre, les principaux accès routiers et ferroviaires à Buenos Aires étaient bloqués, le centre-ville de la capitale était désert et de nombreux avions assurant les vols régionaux et les liaisons vers le Brésil, le Pérou et le Chili sont restés cloués au sol. En cause : le mouvement de protestation de deux des cinq syndicats du pays qui s’opposent à la présidente Cristina Kirchner. Leurs revendications portent essentiellement sur une baisse de l'impôt sur le revenu et une revalorisation du salaire minimum.
L’un des principaux organisateurs de cette grève a salué le "succès" de ce mouvement, mardi, devant un groupe de quelque 200 manifestants venus crier leur mécontentement face à la détérioration de l'économie (hausse de l'inflation, imposition depuis mars dernier d'un contrôle des changes qui empêchent la population d'épargner).
Cette grève a été organisée par un courant minoritaire de la Centrale des travailleurs argentins (CTA) et surtout par une partie de la CGT, le puissant, mais divisé, syndicat qui soutenait le pouvoir péroniste il y a encore un an. L’un des grands architectes de la protestation n’est autre qu’Hugo Moyano, un ancien allié de Cristina Kirchner qui a rompu avec le pouvoir en raison du refus de la présidente d’inclure des représentants CGT sur ses listes lors des élections législatives de 2011.
Le pouvoir dénonce des "menaces"
Face à ce mouvement, le chef de cabinet de la présidence (l’équivalent du Premier ministre en France), Juan Manuel Abal Medina, a dénoncé les menaces et des agressions des manifestants envers ceux qui refuseraient de faire grève. "Ceux qui souhaitent aller travailler sont accueillis à coup de pierres, comme on le voit dans le centre de Buenos Aires", a-t-il dit. Des témoignages recueillis mardi par l’AFP semblaient confirmer ses dires.
De son côté, Cristina Kirchner a appelé sur sa page Facebook "les travailleurs à faire preuve de responsabilité pour défendre, non pas le gouvernement, mais un projet politique qui a permis de créer 5 millions et demi de postes de travail". Avec cette phrase, la numéro un argentine a voulu défendre le bilan de la présidence qu’elle exerce depuis 2007 après avoir succédé à son mari Nestor, qui dirigeait le pays depuis 2003. Une décennie qui correspond à des années de prospérité économique pour l’Argentine.
Ce mouvement de colère, le plus important depuis celui qui avait conduit à la démission du président Fernando de la Rua il y a 10 ans, intervient alors que la popularité de Cristina Kirchner est en chute libre. Depuis sa large réélection en octobre 2011, la part d’Argentins ayant une image positive de leur dirigeante est passée de 60 % à 34 %.
Cette grève intervient d’ailleurs moins de deux semaines après des manifestations massives à travers tout le pays. Organisées par des mouvements actifs sur les réseaux sociaux, elles avaient notamment mobilisé les classes moyennes. Plus généralement, la défiance des Argentins envers leur classe politique se généralise dans un contexte de crise (la croissance est passée de 9 % à 2,2 % en un an). Près de 70 % de la population se dit aussi mécontent de l'opposition, impuissante et atomisée.