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Le "congé paternité" de l'ex-star du foot Marinette Pichon

L'ex-capitaine de l'équipe de France de football bénéficie d'un "congé paternité" pour la naissance de son fils, mis au monde par sa compagne. Ce n'est que la deuxième fois qu'un tel droit est accordé par une collectivité à une personne homosexuelle.

Hasard du calendrier, le bébé de Marinette Pichon et de sa compagne est né le 7 novembre, le jour même où le projet de loi pour le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels a été adopté en Conseil des ministres. L’ancienne star du football féminin français ne préfère pas y voir un clin d’œil, mais plutôt la fin d’un long parcours du combattant.

"C’est juste le jour de la naissance de mon fils que nous attendons maintenant depuis cinq ans. On est heureuse, ma femme et moi de voir que notre petit bout se porte bien. On profite tous ensemble", raconte-t-elle par téléphone, pendant la sieste de son bébé.

Un congé d'accueil à l'enfant

Depuis la naissance, Marinette ne quitte pas son petit garçon. Les couches, les premiers sourires, les réveils au milieu de la nuit, elle savoure chaque instant. Des moments priviligées que les deux femmes peuvent vivre côte à côte grâce à leur employeur, le Conseil général de l'Essonne. Jérôme Guedj, le président PS du département et député, a accepté la demande de Marinette pour un congé "paternité" de 11 jours. C’est seulement la deuxième fois en France qu’une collectivité accorde à une personne homosexuelle ce droit, désormais appelé "congé d’accueil à l’enfant".

Leur responsable hiérarchique au sein de la Direction des sports du département les a accompagnées tout au long de cette aventure parentale. "Il a tout fait pour nous rendre la vie facile. À chaque fois qu’on a dû s’absenter, on n’a jamais eu à s’inquiéter. Tout n’est pas beau ni tout rose dans la vie, il y a des cons partout, mais en tout cas, on n’a jamais rien caché et on n'a jamais été confronté à des remarque en face à face au travail", décrit l’ancienne internationale de football.

"Des claques dans la tronche"

Un soutien vital durant cinq longues années. Cinq ans de doutes, de déceptions et d'amour mais surtout cinq ans d’allers-retours entre la France et la Belgique pour réussir enfin à avoir un enfant. Pacsées depuis sept ans, Marinette et Ingrid ont lancé leur démarche fin 2006 auprès de l’hôpital de la Citadelle à Liège, la France n'autorisant pas encore aux couples homosexuels l'accès à la procréation médicalement assistée.

La footballeuse a effectué sans succès six inséminations artificielles. Sa compagne a aussi essuyé cinq échecs d'inséminations, avant que la quatrième tentative in vitro ne fonctionne. "Psychologiquement, c’est éprouvant. À chaque fois, on prend des claques dans la tronche. Il y a le nouveau traitement et encore une fois l’angoisse et l’attente", raconte Marinette.

Des tentatives à répétition qui ont aussi un coût financier: "Puisque ce n’est pas remboursé, chaque démarche administrative coûte environ 300 euros. Une insémination se chiffre également entre 2500 et 3000 euros. Il y a aussi le transport, l’hébergement et les frais médicaux. On arrive au total au-delà de 15 000 euros". Malgré tout, la sportive de 36 ans n’a pas pensé une seule seconde à abandonner : "On aurait continué jusqu’au moment où on nous aurait dit si oui ou non, on avait un problème médical. C’est plus qu’un désir d’enfant. Nous sommes un couple qui avait envie d’agrandir la famille et de donner de l’amour".


"Qu’ils viennent chez moi tous ces abrutis !"

L’icône du football féminin français a soutenu durant l’élection François Hollande et suit attentivement l’application de ses engagements pour bénéficier des mêmes droits que "les couples normaux". Même si le nouveau président a fait marche arrière en retirant la PMA (procréation médicalement assistée) du projet de loi adopté en Conseil des ministres, Marinette ne le blâme pas. Elle sait que le sujet est particulièrement sensible : "On prendrait un peu du stock réservé jusqu'à présent aux couples hétéros pour en donner aux homosexuels. La PMA est une concurrence directe contrairement au mariage pour tous".

En revanche, la meilleure buteuse de l’histoire des Bleues ne cache pas son dégoût lorsqu’elle entend le débat autour de l’adoption. Elle, qui élève depuis des années le garçon que sa compagne a eu d’une précédente relation, ne veut pas entendre parler de risques pour le développement de l’enfant. "Qu’ils viennent vivre chez moi tous ces abrutis ! Mon fils a 20 ans, il est complètement équilibré. Il n’a jamais manqué d’amour !", s’enflamme Marinette. "Il faut tenir compte des témoignages des enfants qui ont deux mamans et deux papas. Ils sont aimés 1000 fois plus car notre démarche est pesée, attendue et réfléchie. C’est une mise à l’épreuve de tous les jours", poursuit-elle.

Même si la championne avoue qu’elle sera heureuse de pouvoir enfin se marier si la loi est votée au mois de janvier, elle milite surtout pour un changement de mentalités. Celle qui n’a jamais caché son homosexualité durant toute sa carrière, est fatiguée de devoir sans cesse se justifier : "Je ne vois pas pourquoi j’aurais dû faire un coming-out car je suis gay. Je n’ai pas besoin de dire j’aime les femmes et de le crier au monde entier. J’aime juste ma femme". Un couple, deux enfants, une vie normale, "rien de plus classique", selon l’ancienne attaquante.