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L'exception culturelle française se trouve peut-être dans des lieux inattendus. Depuis trois ans, l'ancien squat du "59 Rivoli" est devenu un lieu incontournable de l'art contemporain parisien. Reportage.

À l'entrée, un paillasson de pièces de monnaie. "Entrez, c'est gratuit", peut-on lire sur une pancarte. Plus loin, un escalier en colimaçon couvert de graffitis transporte les curieux dans l'antre des peintres de ce lieu inclassable. Des murs au plafond de l’immeuble du 59 rue de Rivoli, à Paris, leur créativité explose. Chaque étage dévoile un dédale de croquis, de photos, de sculptures, d'humour et de poésie.

L'"aftersquat" du 59 rue de Rivoli, c’est le squat mythique du collectif "Chez Robert, électron libre" qui a gagné de haute lutte l'officialisation de son statut en 2009. Ni musée, ni résidence fermée, le lieu a gardé du squat l'esprit bohème... en un peu plus sage. Avec ses 20 artistes permanents et ses 10 artistes résidents, le "59" attire toujours plus de visiteurs.

Sésame, ouvre-toi

À l'origine de ce "squat", trois artistes : Kalex, Gaspard et Bruno. En 1999, le trio "KGB" investit l'immeuble vide qui appartenait au Crédit lyonnais et à l'État français. "Déjà, à l'époque, il y avait une pénurie d'ateliers dans Paris et les loyers étaient très chers", explique Gaspard. "Dans l'idée du squat, il y avait à la fois la notion de lutte contre ce scandale des immeubles vides et de lutte collective dans cette quête désespérée de trouver un lieu pour travailler." Très vite, une dizaine d' artistes les rejoignent pour réhabiliter le lieu, à l'époque couvert de seringues et autres détritus.

"ll était hors de question pour moi de me retrouver dans un repère de junkies", raconte Jérôme Btesch, un autre membre du collectif. "Le projet était sérieux et crédible. J'étais pour l'idée du squat comme outil pour faire passer en force une contre-culture."

L'art contemporain pour tous

Avec ses installations remises aux normes et ses murs impeccables, le "59" n'a pas pour autant perdu sa vocation première : démocratiser l'accès à l'art.
Une bataille que continue de mener ses artistes. Comme à ses débuts, le collectif propose toujours des expositions, des performances, des concerts du lundi au samedi - le tout gratuitement. "Ce qui m'intéresse, c'est la notion démocratique, pas artistocratique. Et l'art contemporain, contrairement à la musique ou à la littérature est encore le fait du prince", soupire Gaspard.

Parmi les visiteurs interrogés, beaucoup pensent que cet "aftersquat" sert de tremplin aux artistes pour les propulser dans les galeries. Il n'en est pourtant rien."On leur fait peur" sourit Jérôme. "J'expose dans les galleries, mais peu de galelleristes savent que suis au 59". Pour Gaspard, "ce ne sont pas les mêmes filières économiques. Les galeries d'art contemporain ne s'adressent pas au peuple, mais à une petite élite. On ne les intéresse pas." 

Le "59", lui, intéresse le public et de plus en plus les touristes, qui visitent les ateliers sur les recommandations de leurs guides touristiques. Son concept s'exporte même à l'étranger: à Séoul, un squat du même genre a vu le jour.