
La justice britannique a ordonné la libération sous caution de l'imam extrémiste Abou Qatada, réfugié au Royaume-Uni depuis 19 ans. Depuis 10 ans, le gouvernement britannique réclame son extradition vers la Jordanie, son pays d'origine.
L'extradition vers la Jordanie de l'islamiste Abou Qatada a été de nouveau différée, lundi 12 octobre, sur décision de la justice britannique, qui a ordonné sa libération sous caution. Au grand dam de Londres qui a immédiatement annoncé son intention de faire appel. Le Royaume-Uni s'efforce depuis 10 ans de renvoyer dans son pays cet islamiste convaincu, mais son extradition, de recours en appels, s'est transformée en un véritable marathon judiciaire.
La Commission spéciale des recours concernant l'immigration, une instance chargée des dossiers sensibles liés à la sécurité nationale, a donc penché en faveur de Qatada alors que ce dernier est réclamé par la Jordanie pour son implication présumée dans un complot terroriste. Amman l'avait déjà condamné par contumace en 1998 à 15 ans de travaux forcés pour la préparation d'attentats.
La commission a souligné que certaines preuves concernant l'implication d'Abou Qatada dans le complot terroriste en Jordanie étaient "extrêmement minces". Dans son jugement rendu lundi, elle souligne aussi que des témoignages obtenus sous la torture pourraient être utilisés lors du procès, empêchant un jugement équitable.
Le Royaume-Uni en "désaccord complet" avec cette décision
Le gouvernement britannique a immédiatement fait part de son "complet désaccord" avec cette décision et annoncé son intention d'obtenir de la justice "le droit de faire appel de cette décision".
La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) avait dans un premier temps bloqué son extradition, faisant déjà valoir que des preuves obtenues sous la torture pourraient être retenues contre lui lors de son procès en Jordanie.
Mais le gouvernement jordanien a assuré qu'il aurait droit à un nouveau procès équitable s'il était extradé. La CEDH a finalement donné en mai son feu vert à l'extradition.
"Nous avons obtenu [des autorités jordaniennes] des assurances sur la façon dont serait traité Qatada, mais aussi sur la qualité de la procédure judiciaire tout au long de son procès", a rappelé, lundi, le ministère britannique de l'Intérieur dans un communiqué.
Il a notamment fait valoir que la Jordanie avait promis qu'il serait jugé par des juges civils et non militaires et qu'il serait détenu dans un centre de détention civil, "ouvert aux inspections internationales".
Chef sprirituel d'Al-Qaïda en Europe
Un temps considéré comme le chef spirituel d'Al-Qaïda en Europe, Abou Qatada, âgé de 51 ans et père de cinq enfants, vit depuis 1993 au Royaume-Uni où il a demandé un statut de réfugié. Il s'est toujours battu contre son extradition. On lui reproche des discours de plus en plus extrémistes. Des vidéos de ses prêches avaient été retrouvées dans l’appartement des terroristes du World Trade Center.
Il a passé la majeure partie de ces sept dernières années en détention, même s'il n'a jamais été inculpé pour des faits commis dans ce pays. Ses avocats ont dénoncé ces derniers mois "la plus longue période de détention administrative à [leur] connaissance dans l'histoire britannique moderne".
Selon des chiffres du gouvernement britannique, les tentatives infructueuses pour extrader Qatada ont coûté près de 1 million de livres (1,25 million d'euros) en frais de justice depuis dix ans auxquels s'ajouteraient 3 millions de livres de frais pour son incarcération dans une prison de haute sécurité ou son placement en résidence surveillée.
Le mois dernier, le gouvernement britannique a finalement obtenu satisfaction dans un autre dossier fleuve d'extradition : au terme de huit ans de bataille judiciaire, il a réussi à expulser le prêcheur islamiste radical Abou Hamza avec quatre co-accusés vers les États-Unis où il a été inculpé d'activités terroristes.
FRANCE 24 avec dépêches