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Quand le débat sur la compétitivité oublie l'argent versé aux actionnaires

Un rapport conjoint de la fondation Copernic et d’Attac, deux institutions marquées à gauche, dénonce l’obsession de la baisse du coût du travail et veut rappeler que le coût du capital devrait également être pris en compte.

Dans un rapport publié le mercredi 7 novembre et intitulé “En finir avec la compétitivité”, la fondation Copernic et l’association Attac, tous deux situées à gauche de la gauche gouvernementale, se livrent à une violente charge contre le rapport Gallois du 5 novembre.

Pour les auteurs de ce document, les grands oubliés du débat actuel seraient l'augmentation de la part des revenus que les entreprises reversent à leurs actionnaires. C’est ce qu’ils appellent le facteur coût du capital et qui aurait un impact négatif sur la compétititivité des entreprises françaises autant, sinon plus, que le coût du travail. “Incriminer les salaires, dont l’évolution suit les hauts et les bas de l’activité, tandis que celle de la rémunération du capital ne quitte pas les sommets voire grimpe toujours plus haut, relève de l’affabulation la plus grossière”, souligne ainsi ce document d’une trentaine de pages.

Cette attaque vise essentiellement “la complainte patronale” pour obtenir - à tort selon les auteurs du rapport - une baisse des cotisations sociales. Réduction que le Medef a obtenue avec l’annonce, mercredi 7 novembre, du “pacte gouvernemental pour la compétitivité”. Ce train de mesures comprend, en effet, un crédit d’impôt de 30 milliards d’euros qui équivaut à une baisse de 6% du coût du travail en France.

“Il est vrai que ces dernières années, la part de revenus reversés en dividendes par les entreprises françaises a augmenté ce qui a fait qu’elles n’ont probablement pas investi autant qu’elles auraient dû”, confirme à France 24 Laurence Nayman, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII). Sur les douze dernières années, cette part est passée de 5,6% de la valeur ajoutée des sociétés non financières françaises à 9%.

Constat stérile ?

Les sommes qui partent ainsi dans les poches des actionnaires réduisent mécaniquement les fonds que l’entreprise peut réinvestir. Les investissements non réalisés sont autant d’occasions manquées d’améliorer des produits et de réaliser des innovations qui permettraient d’être plus compétitifs. Les dépenses des entreprises françaises en recherche et développement sont ainsi passées en France, d’après l’OCDE, de 44% des dividendes en 1992 à 25% aujourd'hui.

Attac et la fondation Copernic soulignent, en outre, qu’au niveau européen “les dividendes et autres revenus distribués (24,7% en 2009) sont parmi les plus élevés de l’Union européenne” tandis que les sommes “disponibles pour l’investissement sont parmi les plus basses”. “Les entreprises allemandes reversent encore plus de dividendes et n’investissent pas plus que leurs homologues françaises”, nuance cependant Laurence Nayman. Pourtant, l’Allemagne est le champion incontesté des exportations en Europe.

Ce constat sévère concernant le coût du capital “mérite clairement d’être mis sur la table lorsqu’on réflêchit à la problématique de la compétitivité”, reconnaît Laurence Nayman. Néanmoins, dans le contexte actuel, il risque d’être stérile. “Les investissements des entreprises dépendent en effet de la demande qui va de toute façon être faible en cette période de stagnation économique”, remarque Laurence Nayman. Une éventuelle réduction de la part des revenus reversés aux actionnaires peut donc n'avoir aucun impact sur les dépenses en recherche et développement et autres facteurs pouvant améliorer la compétitivité hors coût.