envoyé spécial aux États-Unis – Après avoir longtemps tergiversé, Barack Obama s’est finalement ouvertement déclaré en faveur du mariage pour tous en mai 2012. Une prise de position qui a permis de remobiliser la communauté homosexuelle derrière le candidat démocrate.
L’ensemble des analystes politiques s’accorde sur le fait que la situation économique des États-Unis constitue le premier sujet de préoccupation des Américains. Mais, lors d'une élection aussi serrée que celle-ci, certains sujets de société peuvent s’avérer décisifs.
Ainsi, la question du mariage homosexuel, qui s’est invitée depuis plusieurs années dans le débat public, pourrait permettre à l’un des deux candidats de glaner quelques voix précieuses dans des États où ils sont au coude à coude. Barack Obama et Mitt Romney sont en effet, sur le sujet, à l’image de la société américaine : divisés.
- 3.4% des américains affirment être homosexuel
- Plus de 90% des homosexuels ont voté lors de la présidentielle de 2004
- 79.4% des homosexuels ont voté pour Obama en 2008
- 4.7% des habitants de Miami, Miami Beach et Fort Lauderdale sont homosexuels
Les faux espoirs de 2008
Au moment de son élection en 2008, Obama a suscité des espoirs au sein de la communauté homosexuelle. L’ancien professeur de droit constitutionnel s’était posé, lors de la campagne, en "grand défenseur de l’égalité".
Puis est venu le temps des désillusions. Le président a d’abord invité le pasteur évangéliste Rick Warren à réciter une prière le jour de son investiture, malgré les positions très conservatrices de celui-ci sur les questions de société. Il a ensuite soigneusement esquivé la question du mariage gay, se contentant de rappeler, de temps à autre, que sa position sur le sujet "était en train d’évoluer".
"À cette époque, je comptais parmi ses critiques les plus acerbes" se souvient David Badash, un défenseur des droits des homosexuels et fondateur du "mouvement pour de nouveaux droits civiques", un site Internet dédié à l’actualité du milieu LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres). Comme de nombreux militants de la cause, il indique s’être alors senti dupé par le chef de l’État.
Le "déclic" d’Obama
En mai 2012, soit dix-huit mois avant l'échéance de la présidentielle, l’annonce tant attendue par la communauté homosexuelle intervient. Quelque peu pressé par son vice-président Joe Biden, Obama franchi le pas et se déclare ouvertement en faveur du mariage pour tous.
"Pour nous ce fut le déclic, la réalisation de l’espoir et du changement pour lequel nous avions signé", analyse Nadine Smith, une militante démocrate, qui préside une association de défense de droits des homosexuels. Elle assure que la communauté LGBT est aujourd’hui de nouveau rassemblée derrière Obama, au moment où il brigue un second mandat.
Un timing parfait pour celui qui a besoin de remobiliser cette frange non négligeable de son électorat (voir encadré). D’autant que l’élection pourrait bien se jouer dans l’État clé de Floride, qui abrite une large communauté LGBT.
C’est du moins l’opinion de Nadine Smith, qui réside dans le "Sunshine state". Cette dernière souligne que depuis la déclaration d’Obama, les dons d’argent n’ont jamais été aussi importants dans cet État pour le candidat démocrate. Même les célébrités homosexuelles s’y mettent : les actrices des séries "Glee", et "Modern Family" Jane Lynch et Jesse Tyler Ferguson sont allées jusqu’à tourner une vidéo pour demander aux gays américains de voter pour Obama.
Mitt Romney en défenseur de la famille traditionnelle
Le camp républicain mise, lui, sur une toute autre stratégie pour mobiliser ses troupes autour de la question, en faisant de Mitt Romney le défenseur de la famille traditionnelle. Le candidat du GOP (Grand Old Party, surnom du parti républicain) espère ainsi convaincre les millions d’Américains opposés au mariage gay de voter pour lui.
Len Leritz, un bénévole de la campagne d’Obama, a bien conscience que la prise de position de son candidat n’est pas sans risque. "Cela va lui faire perdre des voix, notamment au sein de l’électorat très religieux, farouchement opposé aux unions des couples homosexuels", analyse-t-il.
D’autre part, il existe tout de même une petite communauté homosexuelle républicaine. Codirectrice de l’association pro-gay en Floride "Log Cabin Republicains", Mimi Planas fait parti de ces militants LGBT qui n’ont pas été emportés par l’Obamania. "Romney a un plan pour relancer l’économie, quelque chose qui sera bénéfique à tous et donc aux homosexuels" explique-t-elle.
Quel que soit le prochain président américain, celui-ci aura un rôle majeur à jouer dans une éventuelle reconnaissance du mariage gay. Il lui revient en effet la tâche de nommer à vie les juges de la Cour suprême, et l’une de ces "Sages", aux vues assez libérales sur les questions de société, est âgée et malade.
Une victoire de Romney le 6 novembre pourrait entraîner une droitisation durable de la Cour suprême, et marquer ainsi un coup d’arrêt aux espoirs de mariage de la communauté homosexuelle.