Gouverneur du New Jersey, l’un des États les plus durement touchés par l’ouragan Sandy, le républicain Chris Christie couvre d’éloges le président Barack Obama pour sa gestion de la crise. Comment comprendre cette attitude ? Éclairage.
Mitt Romney s’en serait bien passé. Depuis mardi, le gouverneur républicain du New Jersey ne tarit pas d’éloges sur Barack Obama et sa gestion des conséquences de l’ouragan Sandy venu perturber la campagne présidentielle américaine. Pire, il a salué l’action de l'Agence fédérale des secours d'urgence (FEMA) dont Romney voulait transférer les ressources au secteur privé.
Le New Jersey est le premier État à avoir été frappé par Sandy et les dégâts y sont considérables. "Le New Jersey de ma jeunesse a disparu", a ainsi déclaré le gouverneur Chris Christie, mercredi 31 octobre, avec émotion devant des habitants de la côte, face à l’ampleur de la catastrophe. À cet instant, le président Barack Obama, en habit de "commandant en chef" venu évaluer la situation, se tenait à ses côtés.
Chris Christie a estimé que le président Obama s’est parfaitement acquitté de ses devoirs et il a tenu à le faire savoir. Saluant à plusieurs reprises le travail du président sur différentes chaînes de télévisions, ce fidèle de Romney n’a pas été avare en compliments. Il a tour à tour qualifié l’action du président de "remarquable", ou encore de "formidable". Christie a tenu également à remercier publiquement et personnellement Obama par le biais d’un tweet. "Le président est venu dans le New Jersey aujourd’hui proposer son aide. J’accepte cette aide et apprécie sa bonne volonté", a-t-il publié sur le populaire site de microblogging.
"Étoile-montante du Parti républicain"
Il faut dire qu’il s’agit d’une véritable volte-face pour Chris Christie, célèbre pour ses
President Obama then said if I needed anything to call him directly. I appreciated that leadership and I will if/when we do.
— Governor Christie (@GovChristie) Octobre 29, 2012attaques contre le président. Il n’avait pas mâché ses mots lors de son intervention à la Convention républicaine de Tampa, fin août, faisant sensation. "Il est temps de mettre fin à cette ère de leadership absent dans le bureau ovale et d’envoyer de vrais leaders à la Maison Blanche", avait-il alors lancé. Aujourd’hui, il dit via Twitter "apprécier le leadership du président".
Un temps pressenti pour être le colistier de Mitt Romney, ce père de quatre enfants n’est pas un élu républicain comme les autres. Élu gouverneur du New Jersey en 2009, il est réputé pour son franc-parler. Ellen Wasylina, membre de Republicans Abroad à Paris, souligne également qu’il est connu pour son action efficace pour son État. "Le New Jersey était un état un peu laissé pour compte, et l’action de Christie y a été très positive", poursuit-elle.
"C’est une étoile montante du parti", explique Soufian Alsabbagh, spécialiste de la politique américaine, auteur de "L'Amérique de Mitt Romney". "Il est très apprécié, notamment par la base ultra-conservatrice, malgré le fait que ses idées ne se rapprochent pas de celles des ultra-conservateurs", relève-t-il.
Preuve de sa popularité, c’est à lui qu’on a confié la tâche de prononcer le "keynote speech" lors de la convention républicaine, un discours crucial que chaque parti réserve généralement à ses jeunes espoirs. "Ce n’est pas anodin : lors de la convention du Parti démocrate de 2004, c’est un certain Barack Obama qui a prononcé le keynote speech", rappelle-t-il.
"Il ne fait que son travail"
Mais, pour Ellen Wasylina, il n’y a rien de surprenant dans l’attitude du gouverneur Christie. "En cas de catastrophe naturelle comme celle que viennent de vivre les États-Unis, on attend des élus qu'ils joignent leurs forces à celles du commandant en chef, qui est Barack Obama", explique-t-elle. "Républicains ou démocrates, tout le monde se serre les coudes pour gérer les opérations à l’échelle fédérale mais aussi à celle des États", poursuit-elle.
Selon elle, ces propos ne signifient pas que Chris Christie ne soutient plus Romney. "Il ne fait que son travail et agit au mieux dans l’intérêt de l’État et de ses électeurs", insiste-t-elle.
"Il est dans son rôle", renchérit Soufian Alsabbagh. "Actuellement, il fait ce qu’il faut pour son État", explique-t-il.
Une explication que tendent à confirmer les propos de Chris Christie lui-même. Interrogé mercredi soir par Fox News sur l’éventualité d’une visite de Mitt Romney dans l’État dévasté, il répond : "Je n’en sais absolument rien, et cela ne m’intéresse pas du tout. J’ai un travail à accomplir ici et je ne me soucie pas de politique présidentielle dans un tel moment".
When it comes to getting things done, I don't care what party someone is in. The responsibility I have is much bigger than politics.
— Governor Christie (@GovChristie) Octobre 31, 2012Sans doute pour couper court à tout début de polémique sur ses compliments appuyés à Obama, il se justifie sur Twitter : "Quand il faut que les choses soit faites, je ne me soucie pas du parti politique des gens. La responsabilité qui m’incombe dépasse la politique".
L’objectif de 2016 dans le viseur ?
Mais, selon certains observateurs, Christie ne serait pas si désintéressé que cela. Il n’aurait pas caché son intention de se lancer en 2016 dans la course à la Maison Blanche et serait avantagé après un second mandat d’Obama.
Une théorie qu’on ne peut pas complètement écarter, selon Soufian Alsabbagh. "On ne peut nier son dévouement pour son État, mais Christie reste un politicien très intelligent et qui sait défendre ses intérêts", rappelle-t-il. Il raconte, par exemple, que le gouverneur de New Jersey s’est démarqué en apportant très tôt en 2011 son soutien à Mitt Romney lors des primaires du Parti républicain, "ce qui lui a d’ailleurs valu de se voir confier le 'keynote speech' et d’être sur le devant de la scène".
Reste qu’à six jours du scrutin, ces propos laudateurs de Christie envers Obama risquent de jeter une ombre sur Mitt Romney qui peine à trouver sa place dans la gestion de la crise provoquée par Sandy. "Pas du tout, l’attitude de Christie est tout à l’honneur des républicains", affirme Ellen Wasylina. "Elle montre qu’ils savent tendre la main à l’adversaire et agir au mieux pour les gens", conclut-elle confiante.