Avec un rapport attendu le 5 novembre et des séances de réflexion entre ministres à ce sujet, les 22 et 23 octobre, la compétitivité semble devenue la priorité du gouvernement. Quelles sont les pistes explorées ?
C’est le sujet casse-tête du moment pour le gouvernement. Comment améliorer la compétitivité des entreprises françaises sur la scène internationale ? Une réunion de travail consacrée à ce sujet, qui réunit la moitié du gouvernement, s'est déroulé ce lundi 22 octobre. Elle doit être suivie, mardi 23 octobre, par un séminaire sur la question.
En parallèle, Louis Gallois, ex-patron d’EADS, doit rendre un rapport très attendu sur la
La compétitivité des entreprises françaises n'est plus ce qu'elle était. Dans un rapport, paru en janvier 2012, le centre de reflexion économique l'Institut de l'entreprise rappelle quelques chiffres qui illustre la baisse de la compétitivité du made in France.
- Le nombre des entreprises exportatrices en France est en baisse de 15% depuis 2002
- Le déficit de la balance commerciale française a atteint un record de près de 75 milliards d'euros en 2011.
- La part des exportations françaises dans le commerce entre pays européens est passée de 13% en 2000 à 9% en 2010. Au niveau mondial, elle est tombée de 6,2% (dans les années 90) à 3,6% en 2010.
compétititivité, le 5 novembre. Problème : les bonnes feuilles des conclusions de cet entrepreneur réputé de gauche commencent à faire leur apparition dans la presse et ne plaisent pas forcément au gouvernement.
Dès vendredi 19 octobre, Le Figaro affirmait que ce rapport préconiserait un “choc” de compétitivité de 30 milliards d’euros d’abaissement des charges patronales et salariales. Louis Gallois voudrait financer ce cadeau aux entreprises par de nouvelles coupes budgétaires et une hausse de la TVA et de la CSG (Contribution sociale généralisée, un impôt prélevé directement sur la feuille de salaire).
Des propositions qui ont déclenché une valse de réactions des ministres sur le thème : "Il n’y a pas que le rapport Gallois dans la vie". “Ce n’est pas le seul point de vue qui compte”, a ainsi assuré dimanche le ministre du Travail, Michel Sapin. Jean-Marc Ayrault a tenu à préciser que les charges sociales et le coût du travail “n’étaient pas l’alpha et l’omega de la compétitivité”. Même l’ancien conseiller de François Mitterrand, Jacques Attali, est monté au créneau, samedi, pour rappeler que “la compétitivité n’est pas que la baisse des charges sociales”.
Mais, à défaut d’actionner le levier coût du travail - voie royale empruntée par l’Allemagne pour s’assurer une grosse part du gâteau des exportations mondiales -, que reste-t-il ? C’est le débat entre les tenants d’une compétitivité “coût” (tout ce qui joue directement sur le coût final du produit, comme les charges des entreprises) et “hors-coût” (concept plus vague qui englobe l’innovation, l’enseignement, etc.). Présentation des forces en présence.
À la droite du ring, la compétitivité “coût” : “C’est la notion à la mode actuellement grâce à la réussite économique allemande”, souligne Pascal de Lima, économiste et enseignant à Sciences-Po, contacté par France 24. Cette approche de la compétitivité passe, non seulement, par l’allègement des charges mais peut aussi revêtir des formes plus brutales comme des baisses négociées de salaires ou l’abandon du smic dans certaines branches particulièrement exposées à la concurrence internationale.
Autant de mesures qui ont été appliquées en Allemagne. “C’est une sorte de regression sociale afin de tenter de rester dans le jeu du commerce mondial face à des géants de la compétitivité ‘coût’ comme la Chine”, explique Pascal de Lima.
Pour des salariés en poste, la baisse des charges, qui aurait la faveur de Louis Gallois, peut se traduire par des hausses de salaires à même d’amortir le choc d’une augmentation de la TVA. En revanche, les chômeurs, retraités et étudiants ressentiraient le “choc de la compétitivité” de plein fouet.
Malgré les dommages sociaux collatéraux, cette approche présente l’avantage de “rapidement améliorer la compétitivité alors qu’il y a urgence actuellement”, reconnaît Pascal de Lima.
À la gauche du ring, la compétitivité “hors-coût”: C’est le parent pauvre de la compétitivité. Souvent oublié, il semble avoir quelques défenseurs au sein de la majorité actuelle. Le ministre de l’Économie, Pierre Moscovici, a assuré que “la compétitivité ‘hors-coût’” faisait partie “de la solution globale”. La compétitivité, “c’est aussi l’innovation, la recherche et le goût du risque”, a résumé Jacque Attali, reprenant les exemples classiques de facteurs “hors-coût” qui permettent aux entreprises d’avoir un avantage sur leurs concurrentes.
L’idée est de réussir à développer des secteurs où la concurrence des pays émergents à faible coût de main d’œuvre n’existe pas ou peu. “Il s’agit d’innover dans des filières comme le luxe où les consommateurs restent captifs, quel que soit le prix”, souligne cet économiste.
Pour lui, le grand paradoxe est que la France cherche actuellement des moyens pour faire de la compétitivité “coût” alors que les fleurons de son économie sont plutôt dans des secteurs “qualitatifs” comme le luxe, l’aéronautique, les technologies de pointe.
Cette approche consiste à mettre l’accent sur tout ce qui ne rentre pas directement dans la formation du prix payé par le consommateur. “Les exemples classiques sont les pôles de compétitivité tels La Defense ou le campus Léonard de Vinci, où on cherche à stimuler l’innovation en créant un écosystème recherche-université-PME”, explique Pascal de Lima.
Reste que les dividendes d’une politique qui veut faire de l’innovation le moteur de sa compétitivité prennent plus de temps à se matérialiser qu’une approche “coût”. L’autre danger est qu’en misant sur des secteurs de pointe et sur la recherche, on risque de laisser sur le bas-côté du développement économique tous ceux qui n’ont pas la formation ou les diplômes nécessaires pour évoluer dans une telle économie.