
Les six humanitaires africains enlevés dimanche dans le sud-est du Niger sont toujours introuvables. Ce mardi, un responsable local révèle que la véritable cible de leurs ravisseurs était, en fait, un anthropologue italien installé dans la région.
Ce mardi 16 octobre, les autorités nigériennes sont toujours sans nouvelle des six travailleurs humanitaires - quatre Nigériens, un Tchadien et un Guinéen - enlevés dimanche à Dakoro, dans le sud-est du pays. Quatre d’entre eux appartiennent aux ONG nigérienne Befen ("Bien-être de la femme et de l’enfant au Niger") et tchadienne Alerte-santé.
Appuyées par des moyens aériens, les forces de sécurité nationales ratissent la région frontalière avec le Nord-Mali, dans l’espoir de les retrouver avant qu'ils ne franchissent la frontière. L'objectif est "d'empêcher par tous les moyens les ravisseurs et leurs otages (…) d'atteindre les montagnes du nord du Mali, notamment Guéret, la base d’Al-Qaïda au Maghreb islamique [Aqmi], ou Ouchebrich, la base fortifiée d'Ansar Dine", explique ce mardi le correspondant de RFI à Niamey dans un récit exclusif.
Les soupçons se portent notamment sur Aqmi, qui a déjà mené des opérations du même genre au Niger. En 2010 notamment, l’organisation terroriste avait kidnappé sept employés du groupe nucléaire français Areva et de son sous-traitant Satom qui exploitent la mine d’uranium d’Arlit. Parmi eux, quatre sont, aujourd’hui encore, aux mains des djihadistes.
"Ils ont débarqué en demandant où était le Blanc"
Dans un premier temps pourtant, le gouvernement nigérien a semblé écarter la piste islamiste. "Cet acte s'apparente plus à un règlement de comptes qu'à un enlèvement", affirmait, hier, le cabinet du Premier ministre Brigi Rafini, cité par l’AFP. Une hypothèse qui a toutefois du plomb dans l’aile, ce mardi : tout porte à croire, en effet, que les ravisseurs des six otages africains recherchaient, en fait, des Occidentaux. Un responsable de la préfecture de Dakoro a ainsi déclaré qu’ils avaient pour cible un anthropologue italien, le docteur Francisco, resté dans la zone après avoir longtemps travaillé pour Médecins sans frontières (MSF).
"Tous les témoignages concordent : les ravisseurs, au nombre de 11, sont allés directement dans la maison où l'Italien devait passer la nuit, ce dimanche. Dès qu'ils ont débarqué, ils ont discuté en arabe avec le gardien, lui demandant où était le Blanc, a expliqué ce dernier à l’AFP. En djellabas, gilets pare-balles et turbans, les hommes armés se sont rués dans la maison voisine où ils sont tombés sur les humanitaires, qu'ils ont embarqués manu militari."
Le docteur Francisco, fort heureusement, n’était pas rentré ce soir là. "L'anthropologue italien devait passer la nuit dans sa case de passage mitoyenne à celle de l'ONG nigérienne 'Bien-être de la femme et de l'enfant nigérien' (…). Et, comme le hasard fait bien les choses, le ‘anasara’, comme on l'appelle là-bas, n'est pas rentré. Il a passé sa nuit à la belle étoile dans un campement peul bororo" - une communauté d’éleveurs locale dont il était resté très proche -, poursuit le correspondant de RFI. Celui-ci se trouve désormais en lieu sûr à Maradi, la capitale économique du Niger située à proximité de Dakoro.
Neuf Européens enlevés au Sahel
À la nouvelle du rapt des humanitaires, les agences locales des Nations unies "ont ordonné lundi à leur personnel à travers le pays de suspendre, pour 72 heures, tous leurs mouvements sur le terrain et de regagner les chefs-lieux de régions pour plus de sécurité", a indiqué une source onusienne à Niamey.
Une source au sein d'une ONG étrangère opérant dans le secteur de Dakoro estime cependant que l'heure n'est pas venue de fermer son bureau sur place, concédant toutefois : "Il faut reconnaître tout de même que le phénomène de rapt prend désormais une nouvelle tournure. On sent maintenant que personne n'est épargné".
Sur une radio locale, Sanoussi Jackou, homme politique et ressortissant de Dakoro, a évoqué une possible "infiltration d'éléments terroristes" pendant la "Cure salée", une fête des éleveurs célébrée à la fin de septembre à Ingal, dans la région d'Agadez.
Au total neuf Européens, dont six Français, sont aux mains d'Aqmi au Sahel. L'un des groupes islamistes armés contrôlant, avec Aqmi notamment, le nord du Mali depuis six mois, le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), retient en outre au moins trois otages algériens.
FRANCE24 avec dépêches