logo

Face à ses juges, Karadzic se présente comme un artisan de la paix

L'ex-chef politique serbe, Radovan Karadzic, poursuivi pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis entre 1992 et 1995 durant la guerre de Bosnie, a clamé ce mardi son innocence devant le tribunal de La Haye.

Loin de se sentir coupable des crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide pour lesquels il est jugé à La Haye, Radovan Karadzic a affirmé au cours de son procès ce mardi qu’il méritait d'être salué pour ses efforts en faveur de la paix dans les Balkans. "Au lieu d'être accusé, je devrais être récompensé pour toutes les bonnes choses que j'ai accomplies. J'ai fait tout ce qui est humainement possible pour éviter la guerre. Je suis parvenu à atténuer les souffrances de toutes les populations civiles", a-t-il déclaré d'un air détendu à la cour.

it
Émission FOCUS - La Défense de Karazic

L'ancien chef politique des Serbes de Bosnie dans les années 1990 est jugé pour son rôle dans le siège de Sarajevo entre 1992 et 1996 et l’exécution de 8000 musulmans en 1995 à Srebrenica, le pire massacre commis en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Quelques 100 000 personnes sont mortes au cours de la guerre de Bosnie.

Radovan Karadzic, 67 ans, assure lui-même sa défense devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). "J'ai proclamé unilatéralement de nombreux cessez-le-feu et des ordres de cantonnement. Et j'ai arrêté à de nombreuses reprises notre armée quand elle était proche de la victoire", a-t-il ajouté.

Interrogé mardi sur le bombardement du marché à ciel ouvert de Markale, dans la vieille ville de Sarajevo le 5 février 1994, le prévenu a répondu qu’il s’agissait d’un événement fabriqué de toutes pièces par les musulmans. Cet argument avancé de longue date par certains Serbes a déjà été rejeté par le TPIY. En 2003, au cours du procès du général serbo-bosniaque Stanislav Galic, le tribunal de La Haye avait établi la responsabilité des forces serbes de Bosnie dans le bombardement du quartier civil de Markale.

"Sarajevo est ma ville et toute histoire selon laquelle nous aurions bombardé Sarajevo sans raison est fausse", a poursuivi Radovan Karadzic. Selon l'acte d'accusation, le bombardement de Markale a fait 66 morts et plus de 140 blessés.

Victimes indignées

"Il m'est difficile ne serait-ce que de décrire ce que je ressens quand je l'entends dire des choses pareilles", a réagi Kada Hotic, membre de l’association "Les Mères de Srebrenica", qui a perdu 56 membres de sa famille à Srebrenica et dans ses alentours. "J'ai perdu tant de proches uniquement parce qu'ils étaient musulmans sur un territoire que Karadzic voulait transformer en terre exclusivement serbe. C'est ça œuvrer pour la paix?"

Radovan Karadzic a aussi affirmé que la célèbre photo d'un homme au visage émacié derrière du grillage en fils barbelés était un montage.

Cet homme, Fikret Alic, était présent mardi sur les bancs du public à La Haye. "J'ai ressenti comme une humiliation le fait que, encore aujourd'hui, il persiste à dire que cette histoire était fabriquée", a-t-il témoigné.

Considéré comme l'un des trois principaux responsables du "nettoyage ethnique" mis en œuvre dans les Balkans dans les années 1990, Radovan Karadzic a longtemps échappé à la justice internationale. Ce psychiatre de formation s'est caché sous l'apparence d’un praticien de médecine alternative sous le nom de Dragan Dabic jusqu'à son arrestation en 2008 à Belgrade.

Ouverture du procès Hadzic

Alors que Radovan Karadzic commençait à présenter sa défense, le TPIY a par ailleurs ouvert mardi le procès de son dernier suspect encore en vie : Goran Hadzic, 54 ans, ancien responsable des Serbes de Croatie, arrêté en 2011 par les autorités serbes.

Président de la république serbe autoproclamée de Krajina en 1992 et 1993, il est accusé de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité pour meurtres, actes de torture et déportation forcée de "la majorité des Croates et autres non-Serbes" après la déclaration d'indépendance de la Croatie en 1991.

Goran Hadzic a déjà été condamné par contumace à un total de 40 ans de prison par des tribunaux croates dans les années 1990.

Par ailleurs, le chef militaire des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic, a été arrêté en mai 2011 en Serbie après 16 ans de fuite. Son procès s'est ouvert en mai à La Haye. L'ancien président yougoslave puis serbe Slobodan Milosevic est pour sa part décédé en détention en 2006 avant la fin de son procès.

(FRANCE 24 avec dépêches)