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Deux entreprises chinoises déclarées "menace pour la sécurité nationale" des États-Unis

Un rapport du Congrès américain recommande à l’État et aux entreprises privées de ne pas passer d’accord commerciaux avec les deux équipementiers télécoms chinois soupçonnés, par les parlementaires, d’être des chevaux de Troie de Pékin.

“Une menace pour la sécurité nationale des États-Unis”. La commission parlementaire du renseignement à la Chambre américaine des représentants ne mâche pas ses mots envers Huaweï et ZTE, respectivement numéro deux et numéro quatre mondiaux de la fourniture d’équipements de télécomunication. Un rapport, rendu public lundi 8 octobre, recommande ainsi “au gouvernement et aux entreprises privées américaines” de ne pas conclure de contrats avec ces deux géants chinois.

Après une enquête de 11 mois, cette commission bipartisane a conclu que Huaweï et ZTE n’avaient pas fourni les documents nécessaires prouvant qu’ils ne sont pas sous influence du gouvernement chinois. Pékin “a les moyens et les motifs pour utiliser ces entreprises des télécoms à des fins malveillantes”, écrivent les auteurs du rapport.

Pire, les parlementaires américains affirment avoir des preuves impliquant les deux groupes dans des affaires de corruption et de pots de vin. Le Chinois ZTE est, quant à lui, accusé d'avoir fourni à l'Iran du matériel informatique américain en violation de l'embargo commercial imposé par Washington.

Les parlementaires américains craignent que les solutions matérielles - comme les routeurs - de ces deux entreprises soient équipées de logiciels espions permettant de voler des informations sensibles. Autre risque évoqué dans le rapport : “dans un scénario catastrophe, la Chine aurait aussi les moyens de paralyser le réseau de télécommunications des États-Unis si Huaweï ou ZTE devenaient des fournisseurs privilégiés de l'État américain”, précise à FRANCE 24 Jean-François Dufour, auteur de “Made by China : Les secrets d'une conquête industrielle” et directeur de la société de conseil stratégique DCA Chine-Analyse.

"China bashing"

“Trouvez un autre vendeur [que Huaweï, NDLR] si vous vous souciez de votre propriété intellectuelle, des renseignements confidentiels sur vos clients et plus largement de la sécurité nationale des États-Unis”, a résumé, dimanche soir sur la chaîne CBS, Mike Rogers, le président républicain de ladite commission parlementaire.

Un rapport alarmiste qui ne fait, d’après Jean-François Dufour, qu’officialiser un état de fait. “Il n’y a pas, à l’heure actuelle, de contrat entre les États-Unis et Huaweï ou ZTE portant sur des infrastructures sensibles”, rappelle cet expert. La publication de ce document intervient aussi à un moment politiquement propice : les deux candidats à l’élection présidentielle américaine de novembre prochain ne se privent pas de critiquer les pratiques commerciales chinoises. “Il y a, en effet, une tendance au ‘China bashing’ [critique de la Chine, NDLR] dans le discours politique américain en ce moment”, confirme Jean-François Dufour.

Reste que l’attaque en règle de la commission a suscité des réactions outrées de la part des deux entreprises chinoises. “Ce sont des affirmations sans fondement à l’encontre d’une société internationalement digne de confiance”, a affirmé William Plummer, vice-président de Huaweï aux États-Unis. “ZTE ne devrait pas être soumis à une telle enquête”, juge de son côté l’équipementier chinois.

Pourtant, aucun de ces deux groupes privés n’a revendiqué haut et fort son indépendance à l’égard de Pékin. “Ils ne peuvent pas se le permettre car ils sont soutenus financièrement par l’État chinois”, affirme Jean-François Dufour. “On ne passe pas en Chine du statut de petite start-up à deuxième ou quatrième équipementier mondial en quelques années sans le soutien actif du gouvernement”, ajoute-t-il.

L’Europe plus ouverte

Pour l’heure, les États-Unis sont les seuls à adopter une telle ligne de conduite “jusqu’au-boutiste”. L’Australie a fait, en mars 2012, un pas vers la position américaine en mettant son veto, pour des raisons de sécurité, à un contrat de 30,5 milliards d’euros avec Huaweï. En France, Jean-Marie Bockel, l’ancien secrétaire d’État à la Justice sous Nicolas Sarkozy, a rendu un rapport d’information, en juilllet dernier, préconisant un boycott des routeurs des deux groupes chinois.

Mais dans l’ensemble “l’Europe se montre beaucoup plus accueillante à l’égard de Huaweï et ZTE”, note Jean-François Dufour. Pour preuve, début septembre, Londres a accueilli, en grande pompe, les 1,3 milliard de livres sterling (1,6 milliard d’euros) que Huaweï veut investir en Grande-Bretagne. Le PDG du groupe chinois et ancien général de l’armée populaire de libération chinoise, Ren Zhengfei, a même été reçu par David Cameron, le Premier ministre britannique.

Une politique de la porte ouverte qui n’est pas, de l’avis de Jean-François Dufour, sans risque tant les réseaux de télécommunication sont des infrastructures cruciales. Mais dans le contexte économique actuel, “avec les appels à la rigueur partout en Europe, il est difficile de refuser les propositions commerciales de Huaweï ou ZTE qui sont les moins chers du marché”, conclut cet expert.