Retenu par les rebelles shebab en Somalie depuis 2009, Denis Allex est apparu dans un message vidéo diffusé sur Internet. Dans le document, datant visiblement de juillet, l'otage français lance un appel à François Hollande.
"Je suis toujours en vie, mais jusqu’à quand ? Cela dépendra de vous." Visage creusé, barbe et teint blafard, Denis Allex, l’otage français retenu en Somalie depuis 2009 est apparu, jeudi 4 octobre, dans une vidéo diffusée par SITE, le réseau américain de surveillance des sites islamistes. Dans son message, visiblement daté de juillet, l’agent de la DGSE, capturé sur le territoire somalien alors qu'il était en mission, s’adresse directement à François Hollande pour réclamer sa libération.
"Je suis un citoyen français qui a été enlevé par les militants shebabs en Somalie en 2009, durant une mission pour le compte du gouvernement français," explique-t-il face caméra, évoquant trois ans "dans la solitude" depuis son enlèvement. "Moi et les autres Français qui sont retenus en otage de par le monde sommes les victimes de la mauvaise politique de la France vis-à-vis des musulmans en France et à l’extérieur de la France," ajoute-t-il, l’air abattu.
Le difficile contexte politique somalien
Enlevé à Mogadiscio par les rebelles islamistes avec un collègue, qui a depuis retrouvé la liberté, Denis Allex avait à l’époque pour mission de former des éléments de la police et de la garde présidentielle, selon le gouvernement français. Mais, pour les Shebab, son rôle était de réunir des renseignements pour la France au profit des "forces de la croisade" en Somalie.
Alors que, début 2011, ils contrôlaient encore la quasi-totalité du sud et du centre de la Somalie, le mouvement islamiste, qui a prêté allégeance à Al-Qaïda en février dernier, est désormais au bord de la chute. En septembre 2012, ils ont été chassés de leur dernier bastion après la prise du port de Kismayo, dans le Sud, par les forces kényanes et l'Union africaine (UA). Depuis, la milice islamiste s'est repliée dans la campagne du sud du pays.
Un contexte complexe, selon Roland Marchal, chercheur au CNRS. "Les Shebab ont perdu du terrain, leur organisation est affaiblie. Le front armé est mouvant et les canaux de communication sont délicats. Tout ceci complique la tâche des autorités françaises sur le terrain", indique ce spécialiste de l'Afrique subsaharienne.
Aussi le gouvernement français souhaite-t-il des négociations aussi discrètes que possible. En juillet, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, avait affirmé "travailler avec les services secrets français pour qu'il puisse être extirpé de cette situation dramatique".
Discrétion de mise
Le gouvernement français, visiblement embarrassé par la détention d'un agent de la DGSE, n'a que très peu communiqué sur cette affaire au cours des trois dernières années. Ainsi, hormis la diffusion d'une première vidéo des ravisseurs en juin 2010 et le message émouvant lancé par l’épouse de l’otage le 13 juillet dernier, peu d'éléments ont filtré.
Rendant hommage au "courage" de Denis Allex, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Philippe Lalliot, s’est contenté, ce vendredi, d’indiquer que le processus d’identification de la vidéo était en cours et que la France travaillait "jour et nuit à sa libération."
Il s’est par ailleurs refusé à dire si les autorités françaises étaient au courant de l’existence de cette vidéo avant sa diffusion sur Internet. Aucune information sur l’état de santé de l’otage depuis juillet 2012, date de l’enregistrement, n’a été fournie.
Pour le Quai d'Orsay, cette discrétion fait office de "gage d’efficacité". Pour Roland Marchal, c'est une habitude dans la diplomatie : "On n’entend pas non plus parler des transactions pour la libération de travailleurs humanitaires [en juin, cinq humanitaires français enlevés en Afghanistan ont été libérés à l'issue d'une opération militaire]".
Sept Français sont actuellement retenus en otage à l’étranger. La détention de Denis Allex est la plus longue après celle d'Ingrid Betancourt, qui fut maintenue en captivité pendant plus de six ans en Colombie.