logo

L'organisation des Moudjahidine du peuple se réjouit de la décision des États-Unis de la radier de la liste "terroriste". Une "victoire, fruit d’une longue bataille juridique", selon Afchine Alavi, porte-parole du Conseil national de la résistance.

France 24 : Comment expliquez-vous le changement de position des Etats-Unis à l’égard des Moudjahidine du peuple ?

Afchine Alavi : Il y a tout d’abord des raisons matérielles à ce retrait des Moudjahidine de la liste des terroristes. C’est le fruit d’une longue bataille juridique. Suite au dépôt d’une plainte de la part des Moudjahidine, le tribunal de Washington a déclaré, il y a deux ans et demi, et après examen du dossier, que l’inscription de l’organisation sur la liste était illégale. Il a donc demandé au département d’État de réviser sa position sur la question, lui laissant pour cela un délai de 180 jours. Le département d’État n’ayant donné aucune suite, une seconde plainte a été déposée auprès du même tribunal, appuyée par une procédure lors de laquelle 21 personnes des milieux politique, militaire et des renseignements ont pu témoigner. Ces personnes avaient toutes eu une expérience avérée dans la lutte anti-terroriste et ont affirmé n’avoir jamais eu la preuve que l'organisation était terroriste. Et contrairement à ce que certains membres de lobbys pro-iranien, dont des chercheurs, affirment, ils n’étaient absolument pas payés. D’ailleurs sur ce plan, le régime et ses lobbys ont plus de moyens que les Moudjahidine qui ne tirent leur ressource que des dons de la diaspora iranienne.

Le 1 juin 2012, le tribunal a rendu un verdict très fort qui demande au département d’État de retirer l’organisation de la liste noire dans un délai de quatre mois à défaut de quoi, elle le serait de facto. Quatre mois, cela signifie qu'ils avaient jusqu’au 1er octobre pour le faire, ce qui explique la date du retrait, le 28 septembre.

France 24 : Pour quelles raisons, selon vous, les Moudjahidine du peuple figuraient sur la liste des organisations terroristes ?

Afchine Alavi : Il ne faut pas oublier les circonstances dans lesquelles les États-Unis ont décidé en 1997 de déclarer les Moudjahidine comme terroristes. À l’époque, Bill Clinton était président et c’était quelques mois après l’arrivée de Mohammed Khatami à la présidence en Iran. En Occident, il a été accueilli par une véritable euphorie, tout le monde voyant en lui le modéré providentiel avec lequel, enfin, on allait collaborer. Plusieurs puissances occidentales ont ainsi voulu tendre la main à ce régime, et c’est pour cela que les États-Unis ont inscrit les Moudjahidine sur la liste des terroristes. Le sous-secrétaire d’État chargé du Moyen-Orient avait déclaré aux médias qu’il s’agissait ainsi de se rapprocher de l’Iran. C’était donc une décision purement politique, qui n’avait rien à voir avec la lutte armée que menait l’organisation. Il y a une différence entre résistant et terroriste.
Mais Khatami, contrairement à ce que pensait les Occidentaux, était loin d’être modéré puisque quelques années plus tard, il a réprimé dans le sang le grand soulèvement étudiant de 1999.

France 24 : Quel rôle jouent aujourd’hui les Moudjahidine du peuple en Iran ?

Afchine Alavi : Le régime des mollahs s’acharne depuis toujours contre les Moudjahidine. Depuis 1988, ils ont le statut d’ennemis de Dieu, et toute personne qui collabore avec ce mouvement est passible de la peine de mort. Ces dispositions sont même inscrites dans le code pénal du pays. Il ne faut pas oublier que près de 120 000 membres de l’organisation ont été exécutés en Iran pour leur résistance au régime. Dans ces circonstances, il est difficile pour un citoyen iranien d’affirmer son soutien aux Moudjahidine. Mais cela ne signifie pas qu’ils ne sont pas présents ou actifs. Contrairement aux affirmations véhiculées par les lobbys du régime, les Moudjahidine ont joué un rôle très important lors de la révolte de 2009, ce que le régime a lui-même affirmé. Suite au soulèvement, de nombreux membres ont été emprisonnés et exécutés.

Concernant les Iraniens de la diaspora, l’organisation des Moudjahidine rassemble chaque année des dizaines de milliers de personnes, plus qu’aucune autre formation d’opposition iranienne. Le 26 juin dernier à Villepinte (région parisienne), plus de 110 000 personnes sont venues soutenir les Moudjahidine et le Conseil national de la résistance, dont ils font partie. Cette capacité de mobilisation témoigne de notre popularité

France 24 : Quelle est la position des Moudjahidine concernant l’avenir de l’Iran ?

Afchine Alavi : Les Moudjahidine sont pour un islam modéré, et une stricte séparation de la religion et de l’État, pour une société pluraliste et une justice indépendante. Concernant l’avenir, ils sont pour une troisième voix : ils rejettent la complaisance avec le régime, mais aussi la guerre, ils veulent un changement démocratique initié par le peuple et sa résistance. La présidente du Conseil national de la résistance, Mme Mariam Rajavi, a d’ailleurs récemment appelé les puissances occidentales à ne pas entraver le droit du peuple iranien à résister.