Le club parisien, propriété d’un milliardaire du Qatar, serait sur le point de signer un mirobolant contrat de sponsoring avec une banque qatarie. Une manière aussi originale que discutable de contourner les règles de "Fair-play financier" de l’UEFA.
Le Paris Saint-Germain (PSG) est en train de jeter un pavé de plusieurs centaines de millions d’euros dans la mare des belles intentions économico-sportives de l’UEFA. Le club parisien serait en effet, d’après des documents consultés par l’AFP, sur le point de signer un mirobolant nouveau contrat de sponsoring de 100 millions d’euros par an pour une durée non déterminée avec une banque du Qatar. En échange, les maillots portés par les Ibrahimovic et autres Javier Pastore revêtiraient l’emblème de l’institution financière.
Un tel contrat de sponsoring maillot, dont l’existence n’a pas été confirmée par le PSG, serait un record absolu. En comparaison, la Qatar Foundation ne verse que 30 millions d’euros par an au FC Barcelone tandis que Bwin (société de poker en ligne) paie annuellement 25 millions pour que son nom apparaisse sur les maillots de la bande à Ronaldo du Real Madrid.
Cette manne d’argent serait en fait “clairement une manière de contourner les règles de 'Fair-play financier' de l’UEFA”, affirme à FRANCE 24 Christophe Durand, économiste du sport à l’université de Caen-Basse Normandie. Ce règlement, publié en 2010 par l’instance dirigeante du football en Europe, vise à obliger les clubs engagés dans des compétitions européennes à ne pas dépenser plus que ce qu’ils ne gagnent à partir de la saison 2013/2014. Une manière pour l’UEFA de forcer à plus de rigueur budgétaire alors que l'endettement net des clubs européens a atteint en 2011 6,9 milliards d'euros.
"Créatif"
Le PSG - qui a dépensé 250 millions d’euros en achats de joueurs depuis juin 2011 et sa reprise en main par le milliardaire qatari Nasser Al-Khelaifi - se devait donc de trouver rapidement beaucoup d’argent frais. Le propriétaire du club de la capitale française avait assuré, fin août, vouloir “respecter les règles” de l’UEFA en se montrant “créatif”. Ce proche du cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, dirigeant du Qatar Investment Authority, se serait donc tourné vers une banque de son pays.
La ficelle peut paraître grosse, mais “elle est en soi légale”, assure à FRANCE 24 Bastien Drut, économiste du sport et auteur de “Les attaquants les plus chers ne sont pas ceux qui marquent le plus”. Rien n’empêche, théoriquement, quelqu’un de payer 100 millions d’euros par an pour devenir sponsor d’une équipe de football. À une nuance près : lorsqu’il y a une relation capitalistique, de famille ou des intérêts communs entre le propriétaire du club et le nouveau sponsor, l’UEFA y regarde de beaucoup plus près. Dans ce cas, il faut que “le contrat soit conclu au juste prix des pratiques du marché”, rajoute cet économiste.
Une clause qui, appliquée au PSG à l’ère qatarie, risque de poser problème. “Certes le PSG a de grandes ambitions sportives, mais est-ce qu’avoir son nom sur leur maillot vaut vraiment 100 millions d’euros par an ?”, feint de s’interroger Christophe Durand. Surtout que le contrat de sponsoring maillot actuel avec Fly Emirates ne rapporte que 3,5 millions d’euros par an.
Risque commercial
Ce nouveau contrat de sponsoring, s’il devient réalité, met donc l’UEFA dans une position délicate. Si elle le juge qu’au regard des règles de "Fair-play financier" cet argent ne doit pas être pris en compte par le PSG pour équilibrer ses comptes, elle s’expose tout d’abord à un contre-feu judiciaire. Le club parisien peut tout à fait contester à l’UEFA le droit de remettre en cause ce contrat. Après tout “c’est une convention entre deux parties régie par le droit commun des affaires”, souligne Christophe Durand. Rien ne dit qu'un juge fasse primer l'autorité de l'UEFA sur une convention de droit commun.
On se souvient de l’arrêt Bosman de 1995. La Cour de justice de la communauté européenne (CJCE) avait alors fait primer le droit du travail sur les règles de l'UEFA qui voulait interdire aux clubs d’aligner plus de trois joueurs étrangers sur la feuille de match.
Mais même si le PSG ne veut pas entamer une longue bataille judiciaire, que peut faire l’UEFA ? En théorie, l’instance européenne peut exclure le PSG de la lucrative Ligue des champions. “Sauf que si elle le fait et qu’elle fait peser une telle menace sur d’autres clubs appartenant à des riches propriétaires comme Manchester City ou Chelsea, elle risque de rendre la Ligue des champions beaucoup moins intéressante et donc moins lucrative pour elle”, note Bastien Drut.
Finalement, le contrat de sponsoring peut se révéler être la solution idéale pour le PSG et pour l’UEFA. Le propriétaire qatari aurait très bien pu injecter directement les fonds dans le club pour éponger les dettes, mais “l’UEFA n’aurait pas pu laisser passer ça au regard des règles du 'Fair Play Financier'”, assure Christophe Durand. Pour lui, ce montage imaginé par le Paris Saint-Germain, permet à l’UEFA “de dire malgré tout que c’est acceptable par rapport aux pratiques du marché”. Mieux vaut avoir l’air ridicule que d’avoir à prendre une sanction difficile à appliquer.