
La banque chinoise publique CCB se dit disposée à débourser 12 milliards d’euros pour l'acquisition totale ou partielle d'un grand établissement européen. Des emplettes qu'elle pourrait effectuer au Royaume-Uni, en Allemagne ou en France.
La deuxième plus grande banque chinoise par actifs est officiellement sur les rangs pour l’achat d’une grande banque européenne. Pour y parvenir, la China Construction Bank (CCB) est prête à mettre 15 milliards de dollars (12 milliards d’euros) sur la table, a annoncé, dimanche 16 septembre, le patron de l’établissement public, Wang Hongzhang, à l’influent quotidien britannique "Financial Times".
“Nous sommes en train de chercher la bonne cible”, a-t-il indiqué en précisant que la CCB ne visait pas forcément une acquisition pure et simple mais pouvait se satisfaire de 30 % à 50 % du capital d’une banque. Autant dire que la China Construction Bank peut faire ses emplettes parmi la quasi-totalité des grandes institutions financières européennes.
Sans citer de noms, Wang Hongzhang a néanmoins dressé le profil type de sa potentielle prise. Pour cet ancien haut responsable de la Banque centrale chinoise, la priorité sera ainsi donnée à une banque “ayant une forte dimension internationale” afin que le choc des cultures ne soit pas trop violent. Parmi les pays visés : le Royaume-Uni, l’Allemagne ou la France.
Les françaises à l’abri ?
Les banques qui auraient été partiellement nationalisées, telles la Royal Bank of Scotland (RBS) ou la Commerzbank allemande, pourraient être des proies faciles, juge le "Financial Times". La vente de ces institutions constituerait une bonne affaire pour des États à la recherche d’argent frais pour réduire leur déficit.
“Le Royaume-Uni me semble être la destination idéale pour les appétits de la CCB”, affirme à FRANCE 24 Pascal de Lima, spécialiste des banques et enseignant à Sciences-Po Paris. Les profits du secteur bancaire britannique (11 milliards d’euros en 2011) sont, en effet, bien plus élevés qu’en Allemagne, où ils ont péniblement dépassé le 1 milliard d’euros l’année dernière.
Les banques françaises, d’après l’économiste, sembleraient relativement à l’abri d’une acquisition totale par les Chinois. D’une part, parce qu’aucune banque n’a été nationalisée et, d’autre part, parce que leur capitalisation boursière dépasse ce que peut payer la CCB : la BNP vaut plus de 50 milliards d’euros, la Société générale 19 milliards d’euros et le Crédit agricole 14 milliards d’euros.
“Si le choix de la CCB se porte effectivement sur une banque britannique, le Royaume-Uni pourrait ironiquement se retrouver dans la position de sauveteur de la zone euro alors qu'il n'en fait même pas partie”, s’amuse Pascal de Lima. Pour lui, en effet, la motivation chinoise derrière cette opération est claire : investir sur le marché monétaire et acheter des obligations de pays économiquement fragilisés comme l’Espagne ou l’Italie.
Pékin n’aurait aucun intérêt à ce que la zone euro, sa principale partenaire commerciale, se désagrège et pourrait ainsi soutenir la monnaie unique à travers son acquisition européenne. En outre, “acheter et spéculer sur les dettes des pays fragiles peut actuellement rapporter très gros”, assure Pascal de Lima.
Obstacle politique
Ce sont ces profits potentiels qui expliquent, d’après lui, ce retour en grâce des banques européennes aux yeux de Pékin. Jusqu’à récemment, le secteur financier européen était considéré comme un terrain trop miné par les investisseurs chinois.
Bank of China avait, en septembre 2011, décidé de mettre le holà à une partie de ses transactions financières avec les banques européennes. En 2008, la China Development Bank et l’assureur Ping An ont tous les deux perdu de l’argent lors d’investissements engagés dans la britannique Barclays et la franco-belge Fortis, rappelle le "Financial Times".
Mais le grand déballage de dollars risque de ne pas suffire. La CCB devrait voir se dresser plusieurs obstacles devant elle. En interne déjà, les actionnaires des banques visées risquent de voir une telle opération d’un mauvais œil. “Lorsque ICBC [Industrial and Commercial Bank of China] avait investi dans la principale banque sud-africaine en octobre 2007, elle en avait réorienté la stratégie vers l’achat de matières premières dont la Chine a besoin. Et cela sans égards pour les intérêts des autres actionnaires”, rappelle Pascal de Lima.
En cas de prise de contrôle d’une grande banque par une institution financière totalement soumise aux desideratas du gouvernement chinois, il y a fort à parier que les pouvoirs publics grincent eux aussi des dents et le fassent savoir diplomatiquement à Pékin.