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Ce texte, qui intervient six mois après les tueries commises par Mohamed Merah, permettra de juger les Français partant s’entraîner au djihad, notamment en Afghanistan et au Pakistan. Un acte déjà répréhensible, rappellent certains juristes.

Après la manifestation islamiste non autorisée devant l'ambassade américaine samedi 15 septembre à Paris, un débat s'est ouvert en France sur une nouvelle loi antiterroriste, proposée par le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls. Ce texte, qui sera examiné en Conseil des ministres fin septembre, vise spécifiquement ceux "qui vont à l'étranger, notamment en zone afghano-pakistanaise, pour se former au terrorisme dans des camps d'entraînement dans le but de revenir en France", a expliqué à l'AFP une source proche du dossier.

L'autre grand aspect du texte concerne la surveillance, dans un cadre administratif, des données de connexion (Internet, géolocalisation, factures détaillées de téléphone). Mise en place depuis 2005, cette disposition temporaire expire le 31 décembre prochain.

"Améliorer le renseignement sur les groupes radicaux proches des djihadistes"

L’étude de ce projet de loi intervient six mois après les tueries commises par Mohamed Merah, le tueur qui avait abattu au nom d’Al-Qaïda sept personnes, dont trois enfants, en mars dernier à Toulouse et Montauban.

C’est la réponse du ministre de l'Intérieur Manuel Valls, qui entend "améliorer le renseignement sur les groupes radicaux proches des djihadistes". Le tueur au scooter s'était rendu en Afghanistan et au Pakistan, où il avait suivi des entraînements au djihad.

Les services de renseignement étaient au courant des voyages de Mohamed Merah, qui avait même été "débriefé" en novembre 2011 à l'antenne toulousaine de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) à son retour du Pakistan. Mais Claude Guéant, ministre de l’Intérieur de l’époque, avait expliqué que rien de délictuel ne pouvait a priori être reproché à Mohamed Merah avant ses crimes. "En France, on ne défère pas à la justice des gens pour des intentions, pour des idées salafistes. On ne peut arrêter les gens que pour des faits", avait alors argumenté Claude Guéant.

Suite à cette affaire, le gouvernement de François Fillon avait d'ailleurs préparé un texte similaire qui aurait permis de poursuivre des personnes parties s'entraîner à l'étranger chez des islamistes radicaux avant de revenir en France.

Ce projet de loi sur les apprentis djihadistes, "c'est ce qui manquait à l'arsenal juridique", estime à l’AFP un policier spécialiste de la lutte antiterroriste. La France compte déjà dans son code civil un panel de lois antiterroristes (1986, 1987, 1991, 1996, 1997 et 2006). "Aujourd'hui, aller là-bas n'est pas un délit en soi, pas même une contravention. Là, on pourra agir, même s'il faudra prouver qu'ils y sont allés pour s'y entraîner".

Le texte ne fait pourtant pas l’unanimité auprès des juristes, qui rappellent qu’aller s'entraîner dans un camp paramilitaire à l'étranger puis revenir en France avec de possibles mauvaises intentions est déjà poursuivi dans le code pénal.

"Un doublonnage ou un toilettage de la loi actuelle"

"Depuis 1996 [article 421-2-1 du Code pénal], la qualification d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste élargit les possibilités de la justice, puisqu’elle permet l’arrestation de présumés terroristes avant que des faits soient commis, commente Jean-François Daguzan, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Une loi que les Britanniques nous envient".

Plusieurs procès pour participation à une association de malfaiteurs en vue de commettre un acte de terrorisme ont d’ailleurs été organisés concernant des filières de recrutement en France de djihadistes en Afghanistan ou en Irak. Aller au-delà et punir ceux qui se rendraient dans des centres religieux radicaux, mais s'en tiendraient à des échanges spirituels, serait contestable au regard du principe de la liberté d'opinion, craignent certains juristes.

Ce projet de loi peut être lu comme "un doublonnage ou un toilettage de la loi actuelle", estime Jean-François Daguzan, également directeur de la revue "Sécurité globale". "Ce sera au législateur de juger s’il existe un vide qu’il faut combler". Selon le ministère de l’Intérieur, plusieurs dizaines de Français se sont rendus dans les zones tribales frontalières entre l'Afghanistan et le Pakistan pour combattre ou s'entraîner au djihad.

La rédaction de ce projet de loi est surtout, selon Jean-François Daguzan, "une réponse immédiate à un évènement dramatique qui s’inspire de la méthode sarkozyste, pourtant fortement critiquée". Et de poursuivre : "Mais Manuel Valls marche sur les pas de Georges Clemenceau avec son besoin d’ordre et son côté répressif".