Quatre ans après son élection, le président américain reste un mythe auprès des français d'origine ouest-africaine, antillaise et maghrébine. Beaucoup estiment que sa victoire a permis de faire évoluer les mentalités dans la société française.
Le 4 novembre 2008, les États-Unis élisaient leur premier président noir, Barack Obama. À travers l'occident, Obama est alors devenu le nouveau modèle de réussite pour les minorités ethniques. En France, Anthony Borval, employé administratif d’origine antillaise, se souvient : “À travers cette victoire, Obama nous a indirectement envoyé le message suivant : ‘Tout est possible’. C’était un espoir pour nous, minorités de France où il est difficile de se frayer un chemin parmi les élites".
Quatre ans plus tard, le mythe Obama a perdu de sa superbe. À deux mois de l’élection présidentielle américaine, le président démocrate peine à retrouver la confiance de ses électeurs, accablés par une économie en berne et un chômage à 8 %.
Mais aux yeux d’Anthony Borval, Barack Obama reste bel et bien un mythe. “Aujourd’hui, je reste très fier qu’un Afro-Américain dirige les États-Unis. Sa victoire nous pousse à ne pas renoncer à nos rêves et à croire en nous”, affirme-t-il. Les quatre années au pouvoir du président américain ne lui ont rien enlevé de son aura dans l’Hexagone, confirme de son côté l’historien français Pap Ndiaye, maître de conférences à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). “Il demeure très très populaire auprès des minorités en France,” estime le spécialiste qui a écrit sur les Africains-Américains et les minorités noires en France. “Elles ne suivent pas d’assez près la politique intérieure américaine pour avoir un avis sur son bilan. Et en matière de politique étrangère, elles ont pu constater des changements importants, tels que le retrait des soldats américains d'Irak"”.
"Un modèle" malgré ses échecs
Pour beaucoup de jeunes d'origine maghrébine, ouest-africaine ou antillaise, Obama reste donc une icône et une source de fierté. “Pour moi, c’est un modèle, indique Gaëtan Seble, jeune homme de 24 ans, dont les parents sont nés en Côte d’Ivoire, installé aux Blagis, une cité du sud de la région parisienne. "Et depuis qu’il est élu, mon opinion n’a pas changé, c’est toujours un modèle pour tous les gens d’ici, tous les gens que je connais du reste”, ajoute-t-il en montrant du doigt un groupe de jeunes. “Ce qu’il est train de faire, c’est bien. Il faut juste lui laisser un peu plus de temps.”
Toutefois, la ferveur postélectorale de 2008 est quelque peu retombée. “Comme avec toutes les nouveautés, le temps passe, ça devient moins excitant, il y a forcement des déceptions”, note Aziz Senni, 36 ans. Ce Français né au Maroc a crée un fond d'investissement pour développer l'économie dans les banlieues. Il estime que le président américain n’a pas toujours été à la hauteur de ses promesses. Il cite notamment l’échec d’Obama à faire avancer le processus de paix au Proche-Orient. “Nous avions beaucoup d’espoir après le discours du Caire, en 2009. Mais on a vu que sa gestion du conflit israélo-palestinien ne changeait pas beaucoup de celle de ses prédécesseurs”, juge Senni.
Une prise de conscience
Quelque soit son bilan, la présidence de Barack Obama a indéniablement permis une prise de conscience en France. “Il y a dix ans, personne ne trouvait gênant que la France soit exclusivement dirigée par des hommes blancs, commente l’historien Ndiaye.
Rama Yade, femme politique française née au Sénégal qui a occupé deux postes de secrétaire d’État (chargée des Sports entre 2009 et 2010, et chargée des droits de l’Homme entre 2007 et 2009) sous Nicolas Sarkozy, estime elle aussi que l’élection d’Obama a servi de révélateur au “retard incompréhensible de la France en matière de diversité”. “Un retard choquant et honteux qui nous discrédite au plan international”, a-t-elle insisté, relevant toutefois quelques avancées sous le mandat de Nicolas Sarkozy.
Beaucoup de personnes issues de la diversité reconnaissent pourtant que l’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche a fait évoluer les mentalités. Ainsi, François Hollande a nommé un nombre record de sept ministres issus de la diversité.
L’Assemblée nationale compte aujourd’hui neuf députés de couleur sur 577, contre un seul lors de la précédente législature. Le monde de la culture et des médias n’est pas en reste. En février, le comédien Omar Sy est devenu le premier noir à être sacré meilleur acteur aux César. Ces deux exemples, à eux seuls, mettent en exergue un certain hermétisme de l’élite politique, économique et culturelle française au multiculturalisme. Mais ils illustrent la lente évolution de la société française en matière d’intégration.
Ce progrès, si petit soit-il, n’a échappé à personne. “Il y a un effet Obama, c’est sûr. Ça s’améliore. Les partis politiques font un effort”, estime Aziz Senni, le jeune entrepreneur. “Mais la France est lente à évoluer. Contrairement à sa réputation, la France est un pays conservateur. Les différences sont souvent perçues comme des menaces”.
Un Obama français un jour ?
La France reste profondément méfiante à l’égard du multiculturalisme. Pour preuve, nombreux sont les hommes politiques qui évitent de faire référence aux minorités dans leurs discours et dénigrent la discrimination positive.
Pourtant, cette discrimination positive pourrait aider la France à faire émerger un Obama français un jour, estime Ndiaye. “Ce n’est pas un hasard si Obama a été élu. Aux États-Unis, on ne dénombre pas moins de 10 000 élus afro-américains, qu’on retrouve aux postes de maires, de shérifs, mais aussi de députés. La classe politique noire est bien plus importante depuis les années 1960 et ce, grâce à la discrimination positive. La France a besoin de passer par là aussi », assure le professeur. Anthony Borval, le jeune Antillais, reste, pour sa part, “convaincu [de ne jamais voir] un président noir en France de [s]on vivant”.