![Le Pôle emploi en quête d'une image plus humaine Le Pôle emploi en quête d'une image plus humaine](/data/posts/2022/07/14/1657818189_Le-Pole-emploi-en-quete-d-une-image-plus-humaine.jpg)
Fonctionnement bureaucratique, offres limitées... En dépit des efforts fournis par le Pôle emploi pour redorer une image écornée par ses prédécesseurs, les griefs formulés contre l'organisme sont légion. Reportage à Issy-les-Moulineaux.
Le pas assuré, le regard déterminé, ils pénètrent dans l'agence Pôle emploi d'Issy-les-Moulineaux, dans les Hauts-de-Seine. Certains viennent s'inscrire pour la première fois, d'autres ont rendez-vous avec un conseiller ou espèrent débloquer un dossier en attente. Puis, un à un, ils repartent, affichant la plupart du temps un visage fermé, découragé ou révolté...
Sur le trottoir, les demandeurs d'emploi isséens laissent éclater leur colère. "Je suis dégoûté, s'insurge l'un d'eux. Je suis venu m'inscrire pour la première fois. Ils me demandent de revenir parce que je n'ai pas pris rendez-vous... Quelle perte de temps !" Un autre lui fait écho : "Voilà deux mois que je suis sans revenus, car j'attends une attestation de non-droit du Pôle emploi pour pouvoir toucher le RMI [Revenu minimum d’insertion]. Les Assédic et l'ANPE ont beau avoir fusionné, c'est toujours le même merdier !"
Une jeune femme d'origine mexicaine se sent, quant à elle, complètement impuissante devant la complexité de cette administration. "Je suis venue une première fois, ils m'ont dit d'attendre trois à quatre jours avant de pouvoir accéder à mon dossier sur Internet. Mais cela fait maintenant une semaine, et il n'est toujours pas en ligne. Ils ne savent pas pourquoi, et moi je n'y comprends rien !"
A peine créé - le Pôle emploi est né le 1er janvier 2009 de la fusion entre l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et les Assédic, organismes chargés d'accompagner et d'indemniser les chômeurs -, la nouvelle structure ne fait plus l'unanimité. Dans les bureaux flambant neufs du Pôle d'Issy, la responsable locale, Muriel Watson, refuse toutefois les critiques qui font du nouvel organisme une machine bureaucratique et impersonnelle.
"Aujourd'hui, on simplifie les démarches au maximum, affirme-t-elle. Un demandeur d'emploi non indemnisable peut, par exemple, se contenter d'un seul rendez-vous." Et d'insister : "Chaque demandeur d'emploi est un cas particulier. Nous ne sommes plus dans un traitement de masse, nous privilégions le traitement au cas par cas, notamment avec les rendez-vous mensuels personnalisés, mis en place depuis 2006."
Il n'en demeure pas moins que le Pôle emploi a raté son entrée sur le marché du travail. Dès sa naissance, il a réussi - certes bien malgré lui - à se faire une mauvaise publicité. Au début du mois de mars, alors que les économistes prédisent une hausse du chômage en France dans les mois à venir, la presse révèle que la création du logo de l'organisme a coûté la bagatelle de... 500 000 euros.
Une polémique qui fait étrangement écho à celle qui s'était déclenchée en 2004, lorsqu'on avait appris que le montant déboursé pour rajeunir l'enseigne de l’ANPE s'était élevé à 2,4 millions d’euros... Dans le même temps, les médias révèlent que la plateforme téléphonique du Pôle (le "39 49") est grassement surtaxée par les opérateurs.
80 chômeurs par conseiller
Tête de proue du Pôle, le conseiller est censé en incarner le nouveau visage. Il prend en charge un demandeur d'emploi dès le quatrième mois de son inscription (sauf s'il s'agit d'un senior, qui est alors suivi dès le premier mois). A Issy, chaque conseiller suit 80 chômeurs environ. "Il faut voir comme ils sont fiers dès que l'un d'eux retrouve du travail. Ils sont très impliqués dans la relation avec leur demandeur". Et d'ajouter : "Nos conseillers ne sont pas là par hasard, ils ont souvent été, pour la plupart, demandeurs d'emploi auparavant. Ils savent ce que c'est !"
Reste que ce nouveau dispositif n'a pas encore convaincu, loin s'en faut. Même les chômeurs longue durée qui pourraient constater une évolution par rapport à l'ancien système demeurent sceptiques. "Le Pôle emploi, c'est nul !, s'emporte une jeune femme. Ils me disent que tel employeur propose un poste. Mais quand je vais le voir, il me dit qu'il ne cherche personne. Alors, si je postule, c'est sur des annonces que je trouve chez Prisunic, Monoprix ou dans les écoles !"
Muriel Watson nuance : "Le Pôle emploi est là pour rendre les demandeurs d'emploi acteurs de leur recherche. Nous sommes là pour les guider, les accompagner et leur proposer nos offres de services [CV, entretien, etc.]." Actuellement, le bassin d'emploi des Hauts-de-Seine recrute dans plusieurs secteurs : les services à la personne, la restauration, le commerce et les cadres commerciaux.
Le Pôle emploi entend profiter de la crise pour faire ses preuves, en gérant au mieux la hausse exponentielle du nombre de chômeurs. Sur le seul mois de janvier, la France enregistre ainsi 90 200 demandeurs d'emplois supplémentaires. Un chiffre qui vient s'ajouter à la nette accélération de la hausse du taux de chômage au 4e trimestre de 2008 : + 8,2 %, selon les statistiques révélées par l'Insee au début du mois de mars.
Dans cette perspective, l'État ne manque pas d'afficher sa bonne volonté. Le secrétaire d'État à l'Emploi, Laurent Wauquiez, a annoncé un renforcement des équipes dans le courant de l'année. 'L'assurance-chômage, d'un montant de 500 euros, devrait par ailleurs être versée dès le 1er avril pour ceux qui ont peu cotisé, et le chèque emploi service sera opérationnel dès juin. Si la situation continue à se dégrader, pas sûr que cela suffise à appaiser les revendications des victimes des licenciements...