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Mogadiscio, un an après les Shebab

Il y a tout juste un an, les insurgés islamistes shebab annonçaient qu’ils quittaient Mogadiscio, qualifiant ce départ de "repli stratégique". Depuis, la capitale somalienne se reconstruit peu à peu et attire de nouveau des investisseurs. Nos envoyés spéciaux Stéphanie Braquehais et Duncan Woodside se sont rendus à Mogadiscio.

Chaque jour, la capitale somalienne change un peu plus de visage. Dans les rues, le nombre de véhicules, certains flambant neufs, a augmenté, les piétons et les petits kiosques, remplissent les trottoirs. A côté d’un immeuble en ruines, un autre est en réfection. Le lendemain, il est complètement repeint et un magasin a ouvert. Ce n’est pas la première fois qu’un semblant de paix revient à Mogadiscio. Un précédent avait eu lieu en 2006 pendant le règne des tribunaux islamiques, qui avaient rétabli un semblant de sécurité.

Un sentiment d’espoir est perceptible parmi la population, et de nombreux Somaliens de la diaspora reviennent pour investir et récupérer des propriétés familiales d’avant la guerre civile. Nous avons rencontré Liban Egal, un somalien qui a vécu longtemps à Baltimore, aux États-Unis. Il a géré des fast-foods, des pizzerias, a fait du micro crédit, mais il avait soif de nouvelles aventures. Après avoir échoué à faire du commerce à Mogadiscio en 1996, il a décidé de revenir pour de bon en 2010, pour créer une banque. Depuis la chute de Siad Barré en 1991, la Somalie repose sur un système de sociétés de transfert d’argent, les Hawalas, basées sur le principe de la confiance, mais qui ne sont pas reconnues internationalement.

Liban sait qu’il a beaucoup de défis devant lui, dans un pays en guerre civile depuis plus de vingt ans. L’absence de législation rend impossibles les transferts électroniques d’argent. Mais Liban planche aussi sur d’autres idées, comme les transferts d’argent par téléphone mobile ou internet sans fil.

Les investissements affluent à nouveau à Mogadiscio et la population retrouve une liberté religieuse. Cependant, une grande partie de la population vit encore dans des camps de déplacés ou squattent des immeubles qui appartenaient à l’Etat avant 1991. “On n’a rien, parfois, on mange, d’autres fois, on passe une journée sans manger”, explique Fatima, mère de cinq enfants. Les forces de sécurité, sous équipées et payées irrégulièrement, peinent à faire respecter la loi. Les assassinats se multiplient - hommes d’affaires, politiciens, journalistes - et les responsables ne sont jamais inquiétés.

Dans un poste de police du quartier Hodan, il n’y a qu’un seul véhicule, dont le pare-brise a en partie volé en éclat à cause d’un impact de balle. “La police est une cible, reconnaît le major Ali Mohamed Salal. Tous ceux qui travaillent pour le gouvernement sont des cibles”. Il admet n’avoir reçu que récemment une partie de son salaire après avoir attendu huit mois sans rien. Il affirme haut et fort sa motivation: “Je suis né un jour, je vais mourir un jour, je n’ai peur que d’Allah”. Mais tout le monde n’a sans doute pas la même détermination.

Le gouvernement de transition entaché par la corruption vient d’achever son mandat. De nouvelles institutions sont en train d’être formées ; un président va devoir être sélectionné par le Parlement. Mais il faudra plus qu’un texte et de nouvelles institutions pour unir et réconcilier une population qui vit dans la guerre depuis tant d’années.