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Ryanair sacrifie-t-elle la sécurité sur l'autel de la rentabilité ?

Ryanair est accusée d'inciter ses pilotes à voler avec le minimum légal de carburant au détriment de la sécurité. Un syndicat européen de pilotes dénonce un malaise qui dépasse le simple cas de la compagnie low-cost irlandaise.

Ryanair n’arrive pas à s’extirper de la polémique née à la suite de l’atterrissage d’urgence de trois de ses avions à Valence, en Espagne, le 26 juillet dernier. Madrid menace depuis la semaine dernière de suspendre la licence de vol de Ryanair en Espagne et a ouvert une enquête le 16 août sur les circonstances de ces atterrissages forcés. Michael O’Leary, le patron de la compagnie aérienne irlandaise low-cost, a contre-attaqué en accusant le gouvernement espagnol de proférer des “semi-vérités” à propos de cette affaire.

L’Espagne ne comprend pas comment les trois avions en provenance d’Irlande ont pu se retrouver à cours de carburant et demander un atterrissage d'urgence à l’aéroport de Valence. Ryanair avait déjà clairement été mis en cause, le 15 août, par le principal syndicat allemand des pilotes de ligne, Cockpit, qui accuse la compagnie aérienne d’exercer de “fortes pressions” sur les pilotes au sujet du carburant. La compagnie aérienne inciterait ainsi les pilotes à s’envoler avec un minimum obligatoire de carburant en ces temps de pétrole cher. Une manière de faire des économies sur le dos de la sécurité des passagers, car moins un avion est lourd, moins il consomme de kérosène.

Suite à ces accusations, le groupe irlandais a assuré être en conformité avec les obligations de sécurité européenne. Il précise que les pilotes ont le dernier mot sur les réserves de carburant emportées.

Mais c’est bien là que le bât blesserait. Depuis les déclarations incendiaires de Cockpit, d’autres pilotes ont assuré sous couvert d’anonymat à divers médias que Ryanair tenait des listes des pilotes en fonction de leur consommation de kérosène. “Ceux qui transportent plusieurs fois des quantités importantes de réserves sont convoqués à des entretiens serrés avec leur supérieur et risquent des blâmes”, assure l’un d’eux.

Témoignages provenant d'autres compagnies

Une encombrante affaire pour Ryanair qui commence, de fait, à assombrir le ciel de toutes les compagnies aériennes en Europe. Témoignages et incidents se multiplient depuis le début de la polémique et ne concernent plus seulement la compagnie low-cost irlandaise. Ainsi, le quotidien britannique "The Daily Mail" a recensé 28 cas d’atterrissage en urgence par manque de carburant au Royaume-Uni, toutes flottes confondues, ces deux dernières années.

“Nous avons reçu des témoignages provenant d’autres compagnies sur des pratiques similaires à celles imputées à Ryanair”, confirme à FRANCE 24 Philip Von Schöppenthau, secrétaire général de la European Cockpit Association, un syndicat européen auquel adhèrent 38 000 pilotes venus de 37 pays européens.

De plus, ce ne sont pas exclusivement les compagnies low-cost qui sont concernées par ces problèmes de recherche d’économies. “Des flottes traditionnelles aussi ont mis en place des listes de pilotes en fonction de leur consommation de kérosène”, affirme Philip Von Schöppenthau sans vouloir citer de nom de compagnie.

La polémique autour des réserves de carburant ne serait que “la partie immergée de l’iceberg” pour ce syndicaliste. Il cite, pêle-mêle, l’augmentation des heures de travail, l’incitation à décoller même par mauvais temps ou encore l'allongement des cycles de vol. “Autant de problèmes qui n’ont pas d’impact sur les passagers tant que la compagnie garde la sécurité comme priorité absolu”, note Philip von Schöppenthau. Mais “la culture de sécurité pâtit parfois du climat économique actuel”, regrette-t-il.

Car depuis le début de la crise, "prendre l'avion en Europe est devenu plus dangereux”, lâche Philip Von Schöppenthau. La traque aux économies parfois au détriment de la sécurité des passagers des compagnies aériennes n'est possible “que parce que les autorités nationales de surveillance n’ont plus les ressources pour mener des contrôles approfondis”, souligne-t-il. Il regrette que les coupes budgétaires nationales ont mené à des réductions d’effectifs au sein d’institutions qui n’ont plus les moyens humains et financiers suffisants.


En réaction à cet article la compagnie aérienne Ryanair a fait parvenir à France24.com un droit de réponse disponible ici.