
À l’occasion d’une tournée européenne de six jours, Mitt Romney espérait prouver sa stature internationale. À l’heure du bilan, les gaffes du candidat républicain semblent davantage avoir marqué les esprits.
À Londres, "Mitt, l’idiot"
À la veille de son arrivée en Grande-Bretagne, première étape de sa tournée européenne, Mitt Romney a émis des critiques quant à l’organisation et la sécurité des Jeux de Londres. "Déconcertant" et "peu encourageant" sont les qualificatifs que le candidat républicain à la présidence des États-Unis a employé, faisant référence aux dysfonctionnements de la compagnie de sécurité G4S et à la menace de grève des douanes britanniques. Romney, qui avait été l'organisateur des Jeux olympiques de Salt Lake City en 2002, s’est immédiatement vu fustigé par la presse anglaise. "Mitt the twit" ("Mitt, l’idiot"), titrait "The Sun", le 27 juillet. Piqué au vif par le républicain, la réaction du premier ministre David Cameron ne s'est également pas faite attendre : "Nous organisons les Jeux olympiques dans l'une des villes les plus fréquentées, actives et animées du monde. Bien sûr c'est plus facile si vous les organisez au milieu de nulle part."
Parmi les autres gaffes très remarquées, l’ancien gouverneur du Massachusetts a annoncé qu’il rencontrerait le chef des services secrets britanniques, une entrevue qui n’aurait pas dû être révélée. Il a également maladroitement appelé "Mister Leader", le chef du Parti travailliste, Ed Miliband, dont il avait visiblement oublié le nom.
Des propos controversés à Jérusalem
En 2008, Barack Obama, alors candidat, avait déjà appelé Jérusalem la "capitale" de l’État hébreux, lors d’une visite sur place : "Jérusalem sera la capitale d'Israël. Je l'ai dit dans le passé et je le répète."
L’actuel président américain avait toutefois nuancé ses propos en ajoutant que le statut de Jérusalem était une question qui devait faire partie de l'accord de paix israélo-palestinien.
Poursuivant sa tournée en Israël, Romney a récolté plus d'un million de dollars provenant de donateurs juifs américains. Son discours sur place, salué par le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a toutefois provoqué l’indignation côté palestinien.
Félicitant Israël pour son économie florissante, Romney a expliqué que l’écart entre le PIB israélien et celui affiché par l’Autorité palestinienne tenait à une différence "culturelle". Jugées "racistes", ces déclarations ont immédiatement été dénoncées par Saeb Erekat, un proche du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.
Évoquant un peu plus tôt dans son discours, "Jérusalem, la capitale d’Israël", Romney avait déjà déclenché la colère des Palestiniens.
À Gdansk, Romney sauve les apparences
Missionnaire pour l’Église mormone en France durant sa jeunesse, Romney ne cache pas son affection pour l’hexagone. "J'ai beaucoup de souvenirs en France. Les meilleurs sont les moments que j'y ai passés en vacances avec ma femme. Paris est l'une des plus belles villes au monde. J'ai hâte d'y retourner."
Des propos en apparence insignifiants mais très risqués lorsque l’on est un républicain qui brigue la présidence des États-Unis. Pour de nombreux conservateurs américains, le socialisme à la française est dangereux. Et la vague francophobe de 2003, suite au "non" de Chirac à la guerre en Irak est, pour beaucoup, toujours dans les mémoires.
Troisième et dernière étape, la Pologne semble avoir mieux réussi à Mitt Romney. Le candidat républicain a reçu le soutien indirect de Lech Walesa, ex-président de la Pologne et prix Nobel de la paix en 1983. Si ce dernier a estimé qu’il serait "déplacé" d’afficher une prise de position officielle, il a toutefois avoué qu’il était "très enthousiaste" après son entrevue avec Romney. Le candidat républicain n’a pas fait de déclaration à la presse mais a pris le temps de poser aux côtés de Walesa, icône de la lutte anti-communiste.
Bien qu’aucun faux-pas n’ait été relevé lors de cette dernière étape polonaise, outre-Atlantique, les six jours européens de Romney sont loin d’avoir convaincu. La presse économique américaine souligne que le candidat républicain a soigneusement évité les pays européens au cœur de la crise de la dette, alors que les États-Unis en ressentent aussi les répercussions. "Ce voyage ressemble plus à des vacances !", lâche "The Fiscal Times". Cette décision d’évincer la zone euro de son périple fait écho aux propos assez stricts tenus par Romney en juin dernier lors d’une émission sur la chaîne américaine CBS : "Nous n'allons pas envoyer de chèques à l'Europe. Nous n'allons pas renflouer les banques européennes. Nous allons rester ici pour soutenir notre économie", avait-il alors déclaré.
Obama, imbattable sur la scène internationale
Taxé de manichéen et jugé trop superficiel dans sa vision des relations internationales, la politique étrangère n’est définitivement pas l’apanage du républicain. Et les nombreux impairs commis ces derniers jours en Europe confirment la faiblesse de l'ex-gouverneur du Massachusetts. "Mitt Romney a offert à Barack Obama un cadeau qui n'a pas de prix pour la présidentielle", selon "The Guardian". Il faut dire que l’actuel président américain, prix Nobel de la paix en 2009, est particulièrement apprécié sur le vieux continent. Chaleureusement accueilli lors de sa tournée européenne, le discours du candidat Obama à Berlin avait fait date et suscité l’espoir. Une popularité renforcée, une fois élu, par sa secrétaire d’État Hilary Clinton, recordwoman du monde de kilomètres diplomatiques. "Si Obama concourait à la présidence de l’Europe, il recevrait 90 % des votes ! Sa politique étrangère est prudente, réaliste et très populaire en dehors de nos frontières", affirme E.J. Dionne du "Washington Post" dans une interview pour la radio américaine NPR.
Pourtant le président américain avait, lui aussi, fait quelques faux pas diplomatiques lors de sa campagne. L’un des plus médiatisés avait justement eu lieu en Pologne où il avait évoqué un "camps polonais de la mort", au lieu de camps d'extermination nazi à l’occasion d’une cérémonie officielle en l’honneur d’un résistant polonais.
Finalement, beaucoup de commentateurs politiques relativisent l’impact de la prestation européenne de Romney. "L’élection présidentielle américaine se joue sur l’économie, pas sur les gaffes ou les grands discours prononcés à l’étranger", conclut le quotidien conservateur allemand "Die Welt".
Dans un récent sondage pour le New York Times et CBS publié le 19 juillet, Romney était – pour la première fois depuis le début de la campagne - donné vainqueur de la présidentielle avec 47 % d’intentions de votes contre 46 % pour Obama. La perte de vitesse du président s'explique par une baisse de la confiance des Américains dans sa gestion de l'économie, un sujet réputé pour être traditionnellement le point fort des républicains.