Plaider la démence, seule ligne de défense solide
Plaider la démence serait la ligne de défense la plus efficace pour éviter à James Holmes la peine de mort ou la prison à perpétuité. Dans le jugement de chaque crime, deux aspects sont pris en compte pour pouvoir trancher : la véracité des faits et la responsabilité pénale de l'auteur présumé. Dans cette affaire, pour laquelle une centaine d’agents du FBI sont mobilisés, les faits peuvent être facilement établis : les survivants du massacre sont nombreux à pouvoir témoigner. La défense devra donc se concentrer sur l’état psychologique du tueur présumé.
"Plaider l’instabilité psychologique est la ligne de défense la plus crédible car les faits sont difficilement contestables. Si les experts concluent qu’il n’est pas responsable, il ne sera pas considéré comme coupable", explique Frederick T. Davis.
Lors de sa première comparution devant la justice américaine le 24 juillet, l’homme ne semblait pas dans un état normal. Plongé dans un mutisme total, James Holmes, assis à côté de son avocate commise d’office, a la tête qui chancelle et les yeux dans le vague, tantôt exhorbités, tantôt fermés.
"Il a jeté un doute sur son état mental. Il y a deux hypothèses : soit il était sous médicaments, soit il était en proie à une perturbation mentale de type psychotique au moment de la comparution. Il peut avoir été traumatisé à posteriori par ses propres actes", explique Jean-Pierre Bouchard, criminologue et psychologue, qui précise néanmoins que "ce qui compte est l’état dans lequel il était au moment du crime".
Un étudiant psychotique…
Depuis que le jeune homme de 24 ans a ouvert le feu lors de la première du dernier volet de Batman dans un cinéma d'Aurora, les enquêteurs tentent de comprendre ce qui a poussé cet étudiant en doctorat de neurosciences, sans antécédent judiciaire, à commettre ce "crime de masse". Si son mobile demeure insaisissable, deux profils commencent à se dégager : d’un côté l’étudiant en neurosciences, calme et solitaire, passionné de science comme son père, mathématicien. De l’autre, le tueur implacable qui a tiré à bout portant au fusil d’assaut sur ses victimes, prises au piège d’une salle de cinéma.
Originaire de San Diego, James Holmes est né dans une famille aisée de la classe moyenne du sud de la Californie. En juin 2011, il intègre un programme de neurosciences à l’université du Colorado Denver, sur le campus d’Aurora où il étudie notamment la schizophrénie et la dépression. Si certains témoignages le présentent comme un étudiant brillant – en atteste la bourse de 26 000 dollars qu’il a reçue pour poursuivre ses études - d’autres sont plus mitigés. Après avoir été recalé à un oral l’année dernière, il avait brusquement mis fin à ses études.
Fan de jeux vidéo, selon le témoignage d’un camarade recueilli par le
Daily mail, le jeune homme s’est présenté à la police comme le "Joker", l’ennemi de Batman, le jour de son arrestation. Incarcéré depuis dans la prison d’Arapahoe, il aurait, d’après le
New York Daily news, demandé à plusieurs reprises à l’un des employés de lui raconter la fin du film The Dark Knight rises, "comme si de rien n’était".
"Lors du passage à l’acte, les criminels ont à la fois un sentiment de dépersonnalisation – comme s’ils sortaient de leur corps – et un sentiment d’irréalité : comme s’ils étaient dans un cauchemar dont ils vont se réveiller ", explique à FRANCE 24 Michèle Agrapart-Delmas*, criminologue et experte judiciaire auprès la cour d'appel de Paris. "C’est un trouble de la personnalité mais qui ne veut pas dire que l’on n’est pas responsable de ses actes."
… ou un tueur qui a prémédité son acte ?
Derrière cette vie en apparence sans histoire se profile un personnage énigmatique. Peu sociable, on ne lui connaissait ni amitié forte ni relation amoureuse particulière. D’après le Time, le jeune homme cherchait à faire des rencontres sur les sites AdultFriendFinder et Match.com où il se décrivait comme "un mec sympa". Rien d’inquiétant jusqu’ici si ce n’est qu’Holmes avait proposé à ses potentielles prétendantes de lui "rendre visite en prison".
"Le scénario de la schizophrénie hallucinante ne colle pas avec la préméditation et l’extrême organisation de ce crime de masse : il avait piégé son appartement de manière très sophistiquée et calqué ses actes sur le film [The Dark Knight rises] non seulement dans la mise en scène du crime mais dans sa préparation", ajoute Jean-Pierre Bouchard. Holmes a-t-il vraiment perdu pied avec le réel ou joue-t-il la folie ? L'expertise psychiatrique en jugera, déterminant au même titre, s'il est responsable pénalement ou non de ses actes.
* Michèle Agrapart-Delmas est l'auteur de "L'expertise criminelle", Favre, 2012