
Lors de la présentation du plan de soutien au secteur automobile, le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, s'en est pris aux marques coréennes, en partie responsables, selon lui, des soucis du "made in France". À raison ?
C'est un pan du plan français de soutien à l'automobile qui est passé presque inaperçu. Durant la présentation de sa stratégie, mercredi 25 juillet, le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, a accusé les importations de voitures sud-coréennes d'être en partie responsables des soucis des constructeurs français.
Les véhicules "made in Korea" feraient une "concurrence déloyale" à leurs homologues français surtout depuis l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2011, du traité de libre-échange avec la Corée du Sud qui a fait disparaître 97 % des droits de douanes. Un accord qui, selon Arnaud Montebourg, aurait été "naïvement négocié" par l'Union européenne (UE).
Un brin interloqué de se retrouver dans la situation du bouc émissaire, Séoul a promis, jeudi, d’examiner dans le détail si l’accord de libre-échange entre la Corée du Sud et UE “a causé des dégâts à l’industrie automobile française”.
Hausse réelle
Mais pour Arnaud Montebourg la messe est déjà dite :le ministre a déjà demandé à Bruxelles de mettre en place une “surveillance” pour éventuellement activer la clause de sauvegarde qui permettrait de restaurer les droits de douanes en France sur l’importation des voitures sud-coréennes. Ce rétropédalage permettrait ainsi d'endiguer la soi-disant déferlante de Hyundai et Kia sur l'Hexagone (Arnaud Montebourg avait affirmé que la hausse des ventes de véhicules de ces deux marques sud-coréennes atteignait 1000 % “sur le marché des diesels des petites cylindrées”).
Sans s'en tenir aux seuls "diesels de petites cylindrées", la hausse reste réelle mais pas aussi marquée. D’après les chiffres obtenus par FRANCE 24 auprès de l’Association des constructeurs européens d'automobiles (Acea), il s’est vendu, en France, 55 392 voitures sud-coréennes depuis juillet 2011, soit une hausse de 20 % par rapport à l’année précédente.
Une tendance confirmée, sur les six premiers mois de 2012, par le Comité des constructeurs français d’automobile (CCFA) : Hyundai enregistre ainsi une progression de 35 % des immatriculations en France par rapport à la même période en 2011 et Kia gagne 23 %. Ces deux marques réalisent, par ailleurs, les plus importantes hausses, tout constructeur confondu, dans un marché où la tendance moyenne est à la baisse sur un an (-14,4 %).
Pas de tsunami
Il est cependant difficile de parler d'un tsunami de voitures sud-coréennes sur la France. En juin 2012, d’après les données de l’Acea, Hyundai et Kia ne représentaient que 3,3 % des parts du marché français. “Il y a une hausse en Europe comme en France depuis plusieurs années [les Sud-Coréens détenaient 3 % en 2007 et sont maintenant à 6 % en Europe, ndlr], mais il est difficile d’affirmer que l’entrée en vigueur du traité de libre-échange ait dramatiquement accéléré le mouvement”, indique-t-on du côté de l’Acea.
Remettre en cause le traité de libre-échange, comme le fait Arnaud Montebourg, c'est, surtout, aller un peu vite en besogne : Hyundai et Kia produisent en Slovénie et en Hongrie près de la moitié de leurs voitures immatriculés en Europe (27 433 sur 65 004 voitures immatriculées en mai 2012). Rétablir les droits de douanes n’aurait aucun impact sur ces véhicules qui sortent d’usines européennes.
En outre, le traité de libre-échange fait aussi les beaux jours des constructeurs européens. Les exportations de voitures "made in Europe" vers la Corée du Sud ont augmenté de 70 % depuis juillet 2011. Les constructeurs européens risquent de peu goûter le fait qu’Arnaud Montebourg parvienne à braquer Séoul en appliquant la clause de sauvegarde aux importations de voitures coréennes.