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Manuel Valls refuse que la naturalisation soit un "parcours du combattant"

Réputé à la droite de la gauche, le ministre français de l'Intérieur souhaite préciser les critères d'acquisition de la nationalité française. Un pas vers une politique migratoire "digne et humaine", estime France Terre d'Asile.

Manuel Valls veut faire table rase du passé. Le ministre de l’Intérieur a annoncé, mercredi 25 juillet, devant la commission des lois du Sénat, son intention de solder l’héritage de son prédécesseur Claude Guéant en matière de naturalisation. Exit "les critères" jugés "aléatoires et discriminants". Manuel Valls veut plus d’objectivité sans pour autant lâcher du lest sur la politique d'immigration.

Les "critères" de naturalisation "introduits subrepticement par mon prédécesseur" relèvent d'une "course d'obstacles aléatoire et discriminante", a regretté le ministre lors de son audition au Sénat le 25 juillet.

Une procédure préfectorale discrétionnaire

Symbole de l’intégration par excellence, la naturalisation a été largement revue et corrigée pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy.  Gérée par la sous-direction des naturalisations basée à Nantes jusqu'en 2010, la procédure relevait d'une simple formalité administrative. Mais, avec le transfert aux préfectures, la démarche est devenue un véritable examen à la discrétion de chaque administration. Résultat, entre 2010 et 2011, le nombre de naturalisations est passé de 94 573 à 66 273. Chiffre auquel s’ajoutent les 20 000 acquisitions annuelles de nationalité par mariage.

"Jadis, c’était une porte d’entrée pour permettre l’intégration. Aujourd’hui, la logique est complètement inversée. La naturalisation est devenue un certificat de bonne conduite", analysait en mai Catherine de Wenden, spécialiste des migrations, alors dans les colonnes de Libération . "On examine le passé. Pour être naturalisé, il faut apporter la preuve qu’on est déjà intégré", insistait-elle.

Un test de culture général "hors des clous"

En s'attaquant aux critères de naturalisation mis en place par Claude Guéant, Manuel Valls entend donc mettre fin à l'arbitraire. Dans la ligne de mire de l'actuel ministre de l’Intérieur figure en premier lieu le test pourtant sur la connaissance de la culture et de l'Histoire de la France. Le décret l'instaurant, paru en janvier 2012 et qui devait entrer en application le 1er juillet, est donc définitivement enterré. Le texte précisait que les questions relevaient du niveau "d’un élève de fin de primaire" : "À qui associez-vous l'Arc de triomphe ? Napoléon ? Le général de Gaulle ? Jules César ?" ou encore "l’abolition de l’esclavage date de : "1848 ? 1918 ? 1968 ?"

Mais dans les faits, "des ministres et des sénateurs auraient du mal à y répondre tellement il est hors des clous", a plaidé, mercredi, le ministre de l’Intérieur, ironisant sur le fait que ce QCM "ressemble à un jeu télévisé".

Depuis le 1er janvier, les prétendants à la nationalité française doivent également passer un test de maîtrise du français de niveau "brevet des collèges". L’examen, organisé dans des centres agréés, est totalement informatisé. Une gageure pour certains candidats.

Des naturalisations en baisse de 30 %

Cette "politique délibérée" du précédent gouvernement "d'exclure de la nationalité des gens méritants et ne posant aucune "difficulté" a abouti, selon le ministre, à une "chute libre" des naturalisations. "Si rien n'est fait, ce nombre va chuter de 40 % entre 2011 et 2012 après une chute de 30 % entre 2010 et 2011", a regretté le ministre, lui qui, d'origine espagnole, a été naturalisé il y a une trentaine d’années.

"Le défi de l'immigration sera relevé si la naturalisation n'est plus vécue, ou perçue, comme la fin d'un parcours du combattant, mais comme l'issue d'un processus d'intégration qui a sa part d'exigences", a-t-il ajouté.

"La loi doit être la même pour tous"

Un signal jugé plutôt positif par l'association France Terre d'Asile. "Cela va dans un sens qui nous convient mais nous avons besoin d'en savoir plus sur le calendrier et la méthode, a tempéré Matthieu Tardis, responsable du secrétariat général de l'association, interrogé par France24.com. Va-t-il y avoir de nouveaux critères ? Va-t-il seulement les préciser comme il l'avait annoncé en juin dans une interview au journal Le Monde ?", a-t-il ajouté. "Nous pensons qu'il se positionne sur la même ligne mais qu'il souhaite limiter l'arbitraire. Les préfectures détiennent un pouvoir discrétionnaire alors que la loi doit être la même pour tous. Il faut donc un cadre précis."

Connu pour son positionnement à droite de la gauche, Manuel Valls n'est pas en train de changer son fusil d'épaule. "Il a une réelle volonté de rendre le système plus juste, plus transparent, ce qui ne veut pas dire une politique plus ouverte", a rappelé le représentant de France Terre d'Asile. Ces dernières années, on a assisté à la mise en place d'un régime d'exception pour les étrangers. Les règles n'étaient pas les mêmes que celles appliquées aux Français. L'objectif de Manuel Valls est visiblement de rétablir une politique digne et humaine."

Une volonté de devenir Français

Même son de cloche du côté du collectif Français sans distinction. "On devient Français parce qu’on l’a voulu. Après, il faut que la République nous accepte, a rappelé sur France 24 Eduardo Rhian-Cypel, député socialiste de Seine-et-Marne et porte-parole du  collectif. "Pour que la République nous accepte, il faut qu’il y ait des critères objectifs et républicains. Ce sont des critères classiques dans la République française : la présence dans le pays, depuis combien d’années, si on a un travail, si on a des enfants qui sont scolarisés. Ça sera plus simple", a martelé l'élu brésilien, lui-même naturalisé français. Une France forte, c’est une France qui est capable d’accepter des nouveaux venus dans la communauté nationale."