
La nomination, lundi, de l’ancienne responsable de la partie recherche de Google à la tête de Yahoo! a été saluée comme un choix judicieux par la plupart des commentateurs. Judicieux mais pas forcément suffisant pour sauver le portail en perdition.
Enfin. Yahoo! s’est doté, lundi 16 juillet, d’un PDG, Marissa Mayer, qui semble faire l’unanimité. Du moins si on se fie au flot de messages flatteurs postés sur Twitter. “Il est temps d’acheter de nouveau des actions Yahoo!”, s’enflamme ainsi Josh Elman, un ancien cadre de Twitter et LinkedIn. “Ils ne pouvaient pas mieux choisir qu’elle”, assure de son côté Jack Dorsey, le co-fondateur du célèbre réseau de microblogging, tandis que Jimmy Wales, patron de Wikipedia, assure très simplement que “c’est grandiose”. Même le tonton flingueur par excellence de la Silicon Valley, le blogueur et investisseur Michael Arrington, verse, sur son site Uncrunched, dans l’éloge sans nuance : “Les gens vont enfin de nouveau être fiers de travailler pour Yahoo!”. La nouvelle patronne du portail en perte de vitesse s’est aussi tournée vers Twitter pour se réjouir de sa nomination et annoncer... qu’elle était enceinte de six mois.
Cette grande vague d’applaudissements numériques prouve que si cette ancienne dirigeante de Google est assez peu connue du grand public, elle jouit d’un prestige considérable au sein du petit monde de la Silicon Valley. Un profil qui tranche avec celui de Scott Thompson, l’éphémère PDG de Yahoo! démis de ses fonctions en mai dernier pour avoir menti sur son CV, cinq mois seulement après son arrivée chez Yahoo!.
Pas de risque de tromperie sur la personne avec Marissa Mayer tant cette jeune femme de 37 ans est déjà une figure historique aussi bien de la scène technologique américaine que de Google. Elle est la numéro 20 du célèbre géant de l’Internet, c’est-à-dire la vingtième personne a avoir été embauchée par Larry Page et Sergey Brin, les co-fondateurs du moteur de recherche. Depuis qu’elle a débuté sa carrière de “première femme ingénieur employée par Google” en 1999, Marissa Mayer a pris de plus en plus de place au sein de l’organigramme du groupe.
Après avoir été ingénieur, designer, responsable produit, cette experte en intelligence artificielle a été pendant dix ans - entre 2001 et 2011 - en charge du développement du moteur de recherche, c’est-à-dire de l’ADN du groupe. C’est elle qui est à l’origine du design minimaliste qui a fait le succès de la page d’accueil de Google. Elle encore qui a développé la partie “recherche d’images” et qui a encadré les équipes qui ont mis au point Google actualités et la célèbre messagerie Gmail.
Suffisamment visionnaire ?
Yahoo! s’offre donc l’un des cerveaux les plus brillants de chez Google. Elle devient également, après l’épisode Carol Bartz entre 2009 et 2011, la deuxième femme à prendre la tête du portail internet. Marissa Mayer refuse, cependant, de se poser en porte-parole de la cause féminine dans un monde technologique très masculin. “Je ne suis pas une femme chez Google, je suis une 'geek' chez Google”, soulignait-elle lors d’une interview accordée le 5 avril 2012 à la chaîne américaine CNN.
Pas sûr qu’une 'geek', même la reine d’entre eux, suffise cependant à redresser la barre chez Yahoo!. Depuis 2009, le portail internet souffre de la concurrence de Google dans le domaine de la publicité en ligne et n'arrive pas à se positionner dans un paysage bouleversé par l'arrivée des Facebook et autres Twitter comme porte d'accès sur le Net.
Côté pile, Marissa Mayer donne de nouveau un “peu de charisme et d’attractivité” à Yahoo! comme l’explique le site technologique Cnet. Elle amène également sa profonde connaissance du monde de la recherche sur l’Internet et de la publicité en ligne, deux métiers qui sont importants tant pour Google que pour Yahoo!. Côté face, cependant, Marissa Mayer est avant tout une spécialiste pour développer des nouveaux produits, mais comme le souligne Shar VanBoskirk, spécialiste des nouveaux médias au sein du géant américain du conseil Forrester, “Yahoo! a déjà trop de produits et doit avant tout retrouver un cœur de métier bien défini”. En d’autres termes, “Yahoo! a besoin d’un visionnaire pour sa stratégie d’entreprise et non pas d’une ingénieur produit”, tranche-t-elle.
Seul un visionnaire du calibre de Steve Jobs pourrait “retourner la situation chez Yahoo!” estime Marc Andreessen, l’un des plus importants investisseurs de la Silicon Valley, dans une interview accordée au magazine américain "Fortune". Sans préjugé des qualités de Marissa Mayer, il rappelle que dans l’histoire des nouvelles technologies Apple est la seule société à avoir réussi à se relever d’une situation qui semblait désespérée.