logo

"On m'a offert 500 pesos pour mon vote"

Des vidéos montrant des militants du PRI achetant des votes ont été diffusées peu avant l'élection présidentielle. Laurence Cuvillier, correspondante de France 24 au Mexique, a mené l’enquête sur les méthodes douteuses du parti de Nieto.

"Je vous demande de me ramener dix électeurs [...], si je n’ai pas ces dix électeurs, je ne pourrai pas vous garantir la prochaine paie." La scène se passe dans un coin de rue en plein cœur de Mexico, quelques jours avant l’élection présidentielle. Un délégué du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) - parti du président élu Enrique Pena Nieto - corrompt, au vu et au su de tous, une dizaine de citoyens rassemblés autour de lui.

Si acheter un vote constitue un délit au Mexique, la majorité des électeurs reconnaissent que la pratique - aujourd’hui devenue banale - n’a jamais inquiété les hommes politiques s’y adonnant. "Le système de contrôle électoral n’est pas dissuasif. Un cas avéré de fraude est passible d’une simple amende", rappelle Laurence Cuvillier, correspondante de FRANCE 24 au Mexique et auteure du reportage : "Nieto, à quel prix ?".

Difficile aussi de lutter contre un fléau connu mais tu. Pour Beatriz Camacho, présidente d’une association qui surveille les processus électoraux depuis 20 ans, c’est autant le mutisme des citoyens que le déni de la police qui pose problème. "Des plaintes pour fraudes, on en a déposé des dizaines à la police, aucune n’a abouti", déplore-t-elle. Elle dénonce aussi une loi trop complaisante avec les escrocs. Même si un achat de voix est constaté, il faut savoir que seule la "personne qui donne les consignes sera sanctionnée, pas le parti", précise-t-elle.

Un combat vain

De droite comme de gauche, peu d’hommes politiques savent résister à la tentation de l’achat massif de voix. "Ils m’ont convoqué à une réunion. On était environ une centaine. Ils m’ont offert 500 pesos pour mon vote", raconte à visage caché Jame, un habitant de Mexico. "Ils savent aussi repérer les leaders. À ceux-là, ils leur offrent des terrains, des appartements", explique-t-il. Une véritable institution de fraude organisée à laquelle les citoyens n’ont pas d’autres choix que de se plier. "On ne peut rien dire. C’est très dangereux. Ils nous menacent, ils peuvent nous passer à tabac voire même nous tuer quand on dénigre un candidat. Et ce, que ce soit le Parti de gauche ou le PRI", continue Jame.

Au Mexique, on estime que plus d’un électeur sur quatre a été sollicité durant cette campagne présidentielle pour vendre son vote. Un chiffre difficilement vérifiable qui donne toutefois une indication de l’état démocratique du pays. "Il est compliqué d’évaluer le nombre exact de fraudeurs. Beaucoup n’avoueront jamais", explique Laurence Cuvillier.

En ce qui concerne l'élection présidentielle du 1er juillet, l’Institut électoral fédéral précise que les tribunaux ont jusqu’à septembre pour examiner les accusations de fraude. Un combat vain, selon Laurence Cuvillier qui s'interroge : "À quoi bon recompter les bulletins et affiner les résultats ? La plupart des fraudes n’ont pas été visibles dans les urnes". Mais dans les rues.