Devant la Cour d'assises de Paris, Roger Marion, l'ancien patron de la police antiterroriste, a assuré que son enquête sur l'assassinat du préfet de Corse, Claude Érignac, avait démontré l'implication d'Yvan Colonna.
AFP - L'ex-patron de la police antiterroriste Roger Marion a assuré mardi au procès d'Yvan Colonna n'avoir "aucun doute" sur la culpabilité du berger dans l'assassinat du préfet de Corse Claude Erignac, un crime dont la défense du berger a exigé à nouveau la reconstitution.
La cour d'assises spéciale, qui rejuge depuis un mois Yvan Colonna pour ce crime politique, doit se prononcer mercredi matin sur la requête, à laquelle l'accusation s'est fermement opposée, "aucun élément nouveau" ne la justifiant à ses yeux.
D'une même voix, avocats généraux et parties civiles ont assuré ne voir "rien de concret" dans les derniers témoignages de quatre des six conjurés déjà condamnés, selon qui d'autres hommes non identifiés faisaient partie du commando de tueurs, voire se trouvaient sur les lieux, le 6 février 1998 à Ajaccio.
Ils ont également balayé les affirmations du conjuré Pierre Alessandri, qui a livré lundi un récit inédit de l'assassinat en se désignant à nouveau comme "le tireur" pour tenter de disculper totalement le berger.
"C'est du vent, un leurre absolu!", a lancé l'avocat général Christophe Teissier.
Me Philippe Lemaire, avocat de la famille Erignac, a répété qu'Alessandri, déjà condamné à la perpétuité, était "idéalement" placé pour endosser le rôle du tireur et "s'accuser à la place" d'Yvan Colonna, qui a toujours clamé son innocence.
Une reconstitution, a ajouté l'avocat, imposerait "des nouvelles confrontations" avec des témoins "déjà entendus", n'ayant jamais apporté rien de plus que "les mises en cause parfaites, détaillées" livrées par la plupart des membres du commando et leurs compagnes devant les enquêteurs.
Ces aveux de mai 1999, qui constituent le socle de l'accusation, Roger Marion, à l'époque patron de la Dnat (Division nationale antiterroriste) n'a eu de cesse de défendre mardi les conditions dans lesquelles ils ont été recueillis.
Ils ont été "sincères, véritables (...), tous les éléments qui les matérialisent sont apparus au fur et à mesure des interrogatoires", a dit le haut fonctionnaire, réfutant les accusations de la défense sur les "pressions" des policiers qui auraient "soufflé" aux gardés à vue le nom de Colonna.
A la question de savoir si le berger de Cargèse était le septième homme du commando, Roger Marion a répondu du tac-au-tac : "Il n'y a aucun doute là-dessus!".
Il a affirmé qu'avant les premiers aveux du conjuré Didier Maranelli, le 22 mai 1999, il n'y avait "pas d'élément du dossier justifiant la mise en cause d'Yvan Colonna". "Avant cela il était une relation parmi tant d'autres d'Alain Ferrandi", le chef du commando, a ajouté M. Marion.
Selon lui, la décision du berger de "vider son compte" bancaire et ses "cinq échanges téléphoniques" avec un autre conjuré, Martin Ottaviani, le jour des premières interpellations, ont également nourri les soupçons.
Dans la matinée, les avocats de Colonna ont longuement plaidé la reconstitution, refusée une première fois par la cour le 3 mars. Selon eux, cet acte éviterait que ne "s'installe définitivement le soupçon" sur le verdict à venir.
"Le débat sur les deux ou les trois (conjurés présents sur les lieux du crime, ndlr) n'a jamais été tranché", a insisté Me Antoine Sollacaro, soutenant le premier des deux scénarios, qui exclut Yvan Colonna.
Me Gilles Simeoni a laissé entendre qu'il pourrait quitter le procès si un nouveau refus était opposé à cette "mesure d'évidence".
"Vous êtes sous la menace, c'est inouï", a réagi Me Lemaire à l'adresse de la cour.