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Enregistrements de Merah : les familles des victimes "scandalisées"

TF1 a diffusé pour la première fois ce dimanche des extraits audio des conversations entre Mohamed Merah et les négociateurs de la DCRI pendant le siège de son appartement toulousain, provoquant la colère des familles des victimes.

Sa voix est calme, posée et décidée. "Je suis quelqu'un de déterminé, je n'ai pas fait ça pour me laisser faire attraper, t'as vu. Là, on négocie tu vois, on est en train de négocier. Après, en dehors des négociations, n'oublie pas que j'ai les armes à la main, je sais ce qui va se passer, je sais comment vous opérez pour intervenir", déclarait Mohamed Merah lors de ses conversations avec la police pendant le siège de son appartement toulousain, les 21 et 22 mars derniers.

Les dirigeants de TF1, BFMTV et I-TELE convoqués

REUTERS - Le Conseil supérieur de l'Audiovisuel (CSA) procédera mardi à l'audition des dirigeants de TF1 et entendra ensuite ceux de BFMTV et iTélé, après la diffusion d'enregistrements audio entre Mohamed Merah et les policier du Raid, a annoncé lundi le CSA.

Des extraits d'enregistrements audio entre Mohamed Merah et les policiers ont été diffusés dimanche par TF1 et sa filiale LCI, puis repris par les deux chaînes d'information BFMTV et iTélé, ainsi que par différentes radios. Concernant les radios, le CSA n'a pas encore pris de décision.

Pour la première fois, dimanche 8 juillet, une partie des enregistrements des échanges entre le tueur au scooter et les policiers de la DCRI ont été diffusés par TF1 lors de l’émission Sept à Huit. La chaîne de télévision française affirme disposer d'une bande de quatre heures et demie d'enregistrements réalisés pendant le siège qui avait duré 32 heures et s'était terminé par la mort de Mohamed Merah.

"Mon but dans ces attentats, c'était de tuer en priorité des militaires parce que ces militaires-là sont engagés en Afghanistan, et tous leurs alliés t'as vu, que ce soit de la police, de la gendarmerie, de la police nationale, de tout", ajoute Mohamed Merah, qui n’a pas manifesté le moindre remords d’avoir abattu sept personnes dans la région toulousaine en dix jours durant le mois de mars.

"La prochaine étape, c'est les images de la tuerie"

Dans ces échanges, Mohamed Merah raconte également comment il s’est rabattu, après avoir raté une nouvelle cible militaire, sur l'école juive Ozar Hatorah. "J'ai repris le scooter et je suis passé comme ça, ce n'était pas prémédité, enfin si, je comptais le faire, t'as vu, mais le matin en me réveillant c'était pas mon objectif", détaille-t-il. 

Le père de Mohamed Merah détiendrait d'autres enregistrements

Le père de Mohamed Merah dit être en possession d'autres enregistrements qui révéleraient que son fils avait travaillé pour les services de renseignement français. Il a porté plainte en estimant que son fils avait été victime d'une exécution car il risquait de révéler ce service rendu à la France. Cependant, ces supposés enregistrements n'ont jamais été remis au parquet de Paris. Ce dernier met donc en doute leur existence et souligne que Mohamed Merah, à la différence des policiers, n'a pas pu matériellement faire d'enregistrements sonores ou vidéo lors du siège, car aucun moyen d'enregistrement n'a été retrouvé en sa possession.

La diffusion de ces propos a provoqué de vives réactions, notamment de la part des familles des victimes. Le père d'un des trois parachutistes tombés sous les balles de Mohamed Merah, Albert Chennouf, se dit outré par le manque de considération à leur égard. "Il y en a assez ! Il faut qu'on respecte un peu les victimes et leurs parents ! Je pense que la prochaine étape, c'est les images de la tuerie."

À l’instar de tous les avocats des familles des victimes, Me Patrick Klugman se dit pour sa part "scandalisé" par la diffusion de ces enregistrements qui donnent "la parole en dernier à Mohamed Merah, une parole mensongère et manipulatrice", indique le magistrat qui représente les familles des trois enfants et du père de famille juifs assassinés le 19 mars à l'école Ozar Hatorah de Toulouse. Un de ses confrères, Me Simon Cohen, dénonce le fait qu’"un média comme TF1, ne serait-ce que par humanité, ne prévienne pas les familles". "Le testament de Merah, ce sont ses crimes, pas ses paroles et nous ferons le nécessaire pour que cette diffusion ne se propage pas", ajoute Me Klugman. Les familles vont saisir en urgence la justice pour interdire sur Internet la diffusion de ces bandes enregistrées.

Enquête pour violation du secret de l'instruction

Me Kulgman a également fait savoir que c’est "une immense surprise" de voir ces enregistrements diffusés "alors qu'ils ne sont pas accessibles aux victimes car placés sous scellés". Sa consœur, Me Samia Maktouf, avocate d'Albert Chennouf, a pour sa part trouvé "le silence de la ministre de la Justice [Christiane Taubira ndlr] curieux" au sujet de ces fuites.

Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, s'est lui offusqué de l'absence de précaution prise "pour respecter les familles des victimes", relevant qu'il convenait "donc de s'interroger sur les moyens par lesquels le diffuseur a pu se [les] procurer".  Le 8 juillet au soir, une enquête a été ouverte pour violation du secret de l'instruction. Elle a été confiée à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), la "police des polices", également en charge de mener une enquête administrative.

TF1 n'a, pour l’heure, pas réagi à la polémique, mais le producteur de l'émission Sept à Huit, Emmanuel Chain, a assuré sur RTL que son équipe avait "beaucoup réfléchi" et "décidé de diffuser ce document qui a une forte valeur d'information". "Nous l'avons fait en responsabilité, en pensant en permanence aussi à l'émotion que pourrait susciter sa diffusion auprès des familles de victimes et en décidant de ne pas diffuser tous les propos qui auraient pu heurter leur sensibilité", a-t-il assuré. 

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a "contacté les dirigeants des chaînes [de radio et de télévision ndlr] pour les appeler à la responsabilité et leur déconseiller de rediffuser les extraits en question".