Diversifiée et "modérément endettée", l’édition française résiste à la crise. Malgré la baisse de leur pouvoir d’achat, les Français ne boudent pas les librairies. Mieux : ils font du livre leur cadeau de prédilection.
"La culture, c'est ce qui reste quand on a tout oublié." Ainsi s’exprimait, au plus fort de la Grande Dépression, Édouard Herriot, le chef du gouvernement français de l’époque. Une manière de rappeler que, pour ravageur qu’il fût, le krach de 1929 n’a pas emporté le secteur du livre.
Rappelée opportunément par l’hebdomadaire "Courrier international" de cette semaine, cette formule sied bien à la conjoncture éditoriale en ces temps de crise. À l’inverse de nombreux secteurs dont les activités sont mises à rude épreuve, le marché du livre semble bien s’en sortir.
Indicateur inespéré en période de récession, le secteur de l'édition affiche des signes de bonne santé. En valeur, sa croissance était de 4,3 % en janvier par rapport au même mois de l’exercice précédent, selon l’institut d’études marketing GfK, spécialisé sur ce créneau.
"Le marché tient bon", explique à FRANCE 24 Céline Fédou, chef de groupe sur le marché du livre chez GfK France. À l’image du cinéma dont les taux de fréquentation ont été importants, le livre s’est révélé comme un produit "refuge".
À l’heure où le pouvoir d’achat figure au premier rang des préoccupations des Français, le livre se négocie bien, au point de se maintenir au rang des dépenses incompressibles. La raison tient à son prix, "pas cher" - 11 euros en moyenne, affirme Céline Fédou. Et la consultante de rappeler qu’à Noël 2008, pourtant morose, le livre a été "plébiscité comme cadeau" de prédilection par une majorité de Français.
Détail qui n’est pas dénué de signification, le secteur ne fait pas partie des mauvaises nouvelles qui, depuis septembre, assombrissent l’actualité économique. À l'exception d'un nombre restreint de petites entreprises condamnées à mettre la clé sous le paillasson faute d’accompagnement bancaire, les éditeurs ayant pignon sur rue n’ont pas été exposés au spectre du redressement judiciaire ou de la faillite implacable.
Un secteur "modérément endetté"
Si le marché français du livre a résisté aux dommages collatéraux de la faillite du géant bancaire américain Lehman Brother, c’est aussi parce qu’il épouse un modèle économique viable. Outre sa configuration – les grands groupes tissent leur toile sur le secteur –, l'édition française tire sa force de sa politique de diversification.
Groupes et grands éditeurs se déploient à la fois sur les marchés français et étrangers. De la littérature aux essais et du livre scolaire aux "beaux livres", ils sont présents dans plusieurs segments d’activités. "Lorsque les choses ne vont pas pour le mieux sous d’autres cieux, on se concentre sur la France. Et lorsque le livre scolaire marque le pas, on met le paquet sur un autre créneau", explique par exemple Ronald Blunden, directeur de la communication du groupe Hachette.
Historiquement, le livre français a surmonté les crises qui ont touché la planète ces trente dernières années. "Le marché a connu une croissance régulière, entrecoupée de petites contractions", rappelle Ronald Blunden. En France, le nombre de maisons d’édition qui ont mis la clé sous la porte est moins important que dans les pays anglo-saxons, explique le "dircom" de Hachette. Il lie cela au fait que les éditeurs français sont "modérément endettés".
Autre signe de bonne santé, le catalogue éditorial français a évolué à contre-courant des carnets de commandes de bien d’autres secteurs. En 2008, les nouveautés ont bondi de 5,3 % par rapport à 2007, selon le magazine français spécialisé "Livres Hebdo". Concrètement, 63 601 titres ont été exposés l’an dernier sur les rayons "nouveautés" des librairies, des FNAC et autres réseaux de distribution.
Le Salon du livre de Paris, qui ouvre ses portes vendredi, devrait servir de baromètre pour confirmer la bonne santé du secteur.